12 mai 2007

La femme ailée (16)

Il y avait au début cette prudence extrême qui cherche en vain à créer un rempart contre le grand cataclysme attendu. Tu me connais. J'ai eu mon heure pratique opportuniste: vivre ce que je peux quand je le peux. Eh bien cette page est tournée. Je vis avec Rodolfo tout autre chose. Moi qui ai toujurs gardé la tête froide, je perds le contrôle. Lui aussi me dit cela. Nous sommes pris dans quelque chose qui nous dépasse. Je sens un gouffre s'ouvrir en moi. C'est wagnérien tant il me manque. Alors je me laisse tomber dans un océan de musique, Rachmaminov, Tchaïkovsky, je reprends pied dans un autre monde, hors de toute arcade, au grand air. Nous nous écrivons à chaque instant de liberté, et nous nous voyons un week-end par mois. Asphélia, suis-je en train de faire une folie? Je suis sûre que non pourtant. La vie m'a rendue méfiante, mais je sais qu'ici il ne faut pas l'être. Manquer la chance de ma vie ou même ne pas la vivre pleinement? Quelle angoisse. Se perdre en donnant tout, c'est plutôt cela, ne rien garder. On risque gros. Se réveiller un jour nue, vide, abandonnée comme Ariane sur son rocher. Non je ne me ferai pas harpie, jamais, parce que j'aurai vécu. Rien à regretter. Si je te dis que c'est grand et beau, je vais commencer à t'ennuyer. Je m'arrête là. Je suis heureuse, voilà tout. FIN