27 décembre 2006

La femme ailée (5)

Plus tard, bien plus tard mais trop tôt, il y avait eu les cris, les déchirements.

La passion de Stefano pour les plantes, sans limite, était devenue intolérablement oppressante pour Asphélia. Elle se voyait entravée par les vertes ramifications, toujours en croissance, toujours en conquête, empiétant sur l'espace personnel d'Asphélia. Asphélia, femme ailée, voulait se mouvoir librement. Stefano remplissait son espace statique. Il le réduisait comme dans une guerre de position. C'était une colonisation aussi hérissante et désagréable que celle des acariens dans un lit. Stefano, quant à lui, n'en pouvait plus de subir la critique silencieuse et implicite d'Asphélia.

Les crises se multipliaient.

Invariablement la sortie de crise se faisait selon un schéma de dissolution malsaine et frénétique, un semblant de réconciliaition qui ne dupait personne. En fait la guerre continuait sur un autre terrain. Pour généraliser Clausewitz, la continuation de la guerre par d'autres moyens, sur le terrain de l'amour expiatoire, où les corps luttent, se donnent un plaisir vengeur, un plaisir pardon, un plaisir regret. Ca se termine la bouche pleine de sel.

Une tragédie de croire s'aimer encore, tout en perdant prise, et en voyant s'effilocher les dernières trames du tissu qui vous liait.

La peur de la passion impasse, celle qui vous dévore sans plus vous nourrir.

Un rêve horrible d'Asphélia précipita la fin de cette histoire. Ce rêve montrait les plantes déchaînées dans une croissance digne d'un jeu vidéo, rapide au-delà de l'entendement. Stefano était devenu la racine centrale des plantes ennemies. Les arborescences dynamiques accueillaient les suicidés du XIIIème cercle de l'Enfer de Dante. Ces âmes irrémédiablement damnées se morfondaient dans d'infinies souffrances reflétées par les convulsions tordues de la forêt dense. Enfer, oppression, atmosphère humide irrespirable, Stefano hydre verte, et les suicidés.

En sortir. Tout de suite.

Asphélia se réveilla en sueur.

Stefano continuait à dormir. Elle avait fait son sac au minimum, et s'en était allée tant qu'elle le pouvait encore.

La femme ailée (4)

L'opus maior de Stefano, selon Asphélia, c'était ces matins où, dans le lit chaud, il peignait pour elle et en elle. Son grand pinceau, partie intégrale et pensante du corps de l'homme, donnait un récital de sensations inouïes à la femme ailée. Après avoir exploré Asphélia sur un mode tactile précis et délicat, puis butineur en douce succion, introit son pinceau cylindrique et gonflé de gouache monochrome et chaude. Elle se sentait peinte du dedans, comme si un univers apparaissait en elle, une Création surgie du Chaos originel, paysages et portraits.Elle portait en elle une foule d'oeuvres, devenait grotte sanctuaire, abritant des oeuvres rupestres. Son humidité faisait vivre des mondes nouveaux. Le pinceau cylindrique de chair la nourissait de cette unique couleur translucide dont dérivaient toutes les autres teintes de la vie. En parallèle ou plutôt en entrelacement, en répons, Asphélia voulait couvrir le corps de Stefano d'écrits incantatoires, des mots d'une philosophie essentielle. Elle se voyait caressant toute la surface du corps de l'Homme, lui couvrant la peau d'un manteau verbal magique et doux. Ses mains caressaient, en des gestes calligraphiques, créant un tatouage sensoriel, un invisible graphique. Pour l'amour... Des mots en efflorescence. Asphélia étendait ses ailes sur Stefano, ils s'envolaient tous deux. Si haut. Un vol icarien.

23 décembre 2006

La femme ailée (3)

C'est l'hiver. Une belle journée froide. Le soleil ne réchauffe pas beaucoup. Asphélia, en manteau, écharpe et gants, n'a pas froid. Elle s'abandonne à l'écoute de la Ville Lumière, aux palais de pierre et d'acier. Elle laisse monter en elle le thème d'April in Paris en style de jazz be-bop.
Asphélia vogue sur les flots du destin.
Elle revoit New York, son immeuble préféré, le Flat Iron, les avenues balayées par des rafales glacées.
Il y avait eu un concert au Sweet Basil, par un grand pianiste sud-africain dont tout le monde parlait. Asphélia était assise à une table près des musiciens. La musique avait détendu son corps. Elle se sentait en harmonie avec le lieu, avec le son, avec l'ambiance. Ala sortie -elle se préparait à rentrer seule, comme elle était venue, chez une amie qui l'hébergeait- un jeune homme lui avait souri. Beau sourire. New York la ville où l'improbable se réalise. La ville aussi où ce qu'on attend raisonnablement n'arrive pas, est toujours repoussé à plus tard par cette malédiction de grande ville qui dilue tout dans la foule, et broye les aspirations individuelles légitimes. Femme seule et libre, cherchez à vous marier à New York: impossible.
L'inconnu, inattendu, c'était Stefano, un jeune peintre venu de Sicile pour une première exposition et qui n'était jamais rentré. Asphélia se souvenait précisément de leur déambulation de l'après-concert. Stefano l'avait mené à la galerie où il exposait. Une visite de l'extérieur, où il fallait écarquiller les yeux, les laisser s'habituer à la pénombre pour deviner plus que voir les oeuvres. Asphélia, au regard artistique exercé, avait observé, analysé, comparé. Mais surtout, elle avait ressenti une émotion profonde. Les motifs de cette série étaient des arbres d'olivier stylisés, aux ombres fortes et surcontrastées, et surgissant de l'horizon, des visages d'hommes et de femmes. Stefano expliquait sa série:
-Les émigrants regardent la terre aride. Ils ont dû la quitter, mais c'est la terre de l'enfance, la terre des ancêtres. L'olivier c'est la paix. Les branches qui se tordent, c'est le temps qui est passé, la mémoire en construction, la vie et ses difficultés.
J'ai aussi prévu une suite. Ce sera avec les mêmes personnages transparents, à une autre étape de leur évolution. Je les montrerai au travail dans leur nouveau pays. Il y faudra des symboles mécaniques, productifs, industriels. J'y mettrai aussi des ordinateurs, des chiffres de la finance qui dansent dans la balance du produit national brut!
Pour moi la roue dentée, c'est un symbole classique, grec, de l'émigration ouvrière.
J'y mettrai la famille formée, le relais passé, l'âge, le grand âge qui vient comme une couronne sur ceux qui ont pris leur vie en main très tôt.
Derrière, à l'arrière-plan, il y aura du bleu intense, la Méditerranée. En signature, au fond, une galère grecque à peine discernable, mais qui donne tout le sens. Un jeu de lumière entre ce bâteau et la plage pourrait pointer vers le renvoi du passé au futur, la boucle de l'historien Thucydide: la vue en cycle. Une lentille incendiaire d'Archimède?
Le feu porté chez les Romains?
Cette nuit s'était terminée à la montée de l'aube. Ils étaient au moment où la lumière se fit dans un des cafés de Christopher Street. Entre-temps, ils avaient marché sans fin dans Manhattan, accroissant l'ergodicité de leurs pas au voisinage du Village. Asphélia avait évoqué Antonello da Messina, et le regard sans fond, qu'il soit d'homme ou de femme. L'être un homme, l'être une femme selon Antonello? Question ouverte, sur laquelle ils avaient réfléchi ensemble. Leur échange fut détaillé, intense, passionné. Ils saisirent sans l'avouer le miroir qui se présentait, et furent surpris de ne pas vouloir aboutir, mais au contraire prolonger toujours cette quête commune devenue mutuelle. Assis au café, le jeu de la vie continua. La conversation les construisait plus qu'ils ne construisaient leur échange. Les horologes des joueurs d'échec de cette partie vitale étaient bloquées. Le temps aboli. Tant et si bien que le soleil se leva. Ils se regardèrent étonnés de se voir sous une lumière pure, orthogonale, révélant les microdétails de leur visage. Ces détails dont la nuit les avait contraints à faire abstraction s'élevaient maintenant comme un paysage de montagne sorti des nuages. Tout un pays à découvrir. Sous l'incidence directe et précise de la première lueur du jour. C'était comme se présenter de nouveau l'un à l'autre, une révélation, de l'étonnement, un enchantement.
Pour ne rien gâcher de cette rencontre remarquable, ils décidèrent de partir chacun de leur côté sans se retourner. Mais, ne pouvant faire autrement, dans un parjure copiant Orphée, ils se retournèrent au même instant. Ils sourirent de se voir unis dans cette transgression. Puis ils furent absorbés par des courants opposés de la foule matinale.
Tant que dura leur amour, ils respectèrent des règles définies ensemble:
-Asphélia ne poserait jamais pour Stefano
-Asphélia n'observerait jamais Stefano au travail.
Le processus créatif, mutuellement compris dans toute sa profondeur, ne devrait pas être banalisé dans leur relation, ni leurs émotions dans le chaos de la création.
Asphélia, à cette époque, se savait déjà ailée. Pourtant ce n'est qu'à Paris, sur ce banc qui faisait face au Grand Palais, qu'elle commença à s'interroger sur la vraie image que Stefano avait eu d'elle. Avait-il vu ses ailes? Avait-il au moins senti le léger mouvement d'air autour du corps d'Asphélia quand elle tournait sur elle-même pour exprimer sa joie?

La femme ailée (2)

Un jour d'hiver. Asphélia sourit de ses grands yeaux noirs sous un petit chapeau 1920. Sa silhouette est bien dessinée par un manteau beige aux motifs bruns en arabesque. Asphélia marche d'un bon pas. Chaque franchissement de trottoir est l'occasion d'apercevoir un peu plus ses jambes élégamment enveloppées dans des bas noirs transparents. Les homes la suivent du regard. Elle le sait. Ca lui plaît. Elle en sourit. Une façon instantanée de se sentir sûre de ses arguments dans ce monde de séduction.
Asphélia voyage fréquemment pour affaire. Elle a aujourd'hui deux réunions avec des clients à Paris.
Une heure plus tard, dans une salle de réunion.
Asphélia est debout près d'un projecteur. elle connecte son ordinateur et démarre sa présentation. La voix posée, elle déroule son discours, solide, professionnel. Plus personne ne la regarde pour son corps de jolie femme. Tout s'efface devant la compétence et l'intérêt des spécialistes. Une conversation d'experts s'engage sur les implants médicaux qu'Asphélia a présentés.
Asphélia doit convaincre les médecins et chirurgiens des hôpitaux et cliniques.
Elle répond avec précision aux questions. Asphélia est reconnue comme une commerciale compétente et fiable par ses clients. Elle est très concentrée pendant la session. Deux heures après, elle éteint son ordinateur et repart. La réunion suivante n'a lieu que deux heures plus tard.
Un moment d'azur pour elle seule. Elle décide de profiter du temps clair de Paris. Elle aime s'asseoir au bas des Champs Elysées dans l'une des allées bordées d'arbres près du Grand Palais.
Selon l'humeur, il lui arrive aussi de traverser l'Avenue, pour se trouver à l'endroit symétrique, près du Pavillon Gabriel.

La femme ailée (1)

Asphélia se sentait une réplique vivante de la Victoire de Samothrace. Sa tête s'était envolée, libérée de son corps, et flottait déjà au-dessus des nuages. Tête ou âme, esprit moqueur, feu follet stratosphérique? Elle ne savait plus exactement. Elle ne sentait, actuellement, que cette partie du corps qu'on appelle fuselage pour un avion.
Elle se savait bien fuselée, avec une poitrine assez saillante, en version figure de proue, mais pas trop lourde, juste comme son amie et modèle La Victoire. Ses ailes, loin d'être un accessoire détachable comme chez les anges de pacotille, donnait envergure et élégance à ses gestes.
Asphélia, assise dans l'avion, avait bouclé sa ceinture et commencé à se détendre. Elle se préparait à accompagner de tout son corps l'envole de l'avion. Faire corps avec l'avion, voler soi-même, une recette idéale pour qui a connu l'angoisse de l'envol.
L'avion venait de prendre de l'élan, puis de s'envoler au-dessus des rizières. Les bras d'Asphélia s'étaient symboliquement étendus, s'orientant comme les ailes. Asphélia s'identifiait au grand être volant, faisait corps avec lui. Sans plus de doute, elle effectuait un élégant glissement ascendant, jusqu'à franchir le plan des nuages. Quand le mouvement fut stabilisé, Asphélia rétracta doucment ses ailes, et reprit sa forme de femme réelle. Assise dans l'avion, elle se souvenait des jour écoulés. Elle se laissa aller au fil élastique de sa pensée, le long de ce caoutchouc mental à gros diamètre. Elle joua à étirer son fil, avec une accélération importante. Une corde de pensée. Presque la corde vibrante source de musique.
Asphélia se dit:
-Galaad, c'est à toi et toi seul que je pense.
Je voudrais tellement me trouver dans tes bras, entendre ta voix, te sentir en moi. En ce moment ce besoin de proximité, d'entrelacement, est encore plus fort que celui de faire l'amour et d'y prendre du plaisir. Corps à corps, connectés, un être-ensemble résonnant. Prenons le temps de cette fusion statique avant que ne vienne l'oscillation de plaisir en vague montante, flux et reflux, dedans, dehors, dedans , dehors... Déferlement.
-Viens Galaad. Prend la mesure de cet espace que je t'offre. Prend-le et surtout garde-le. Laisse tes yeux dans les miens. Oublie-les. Ils y seront bien. J'attends ce moment annoncé. Il veindra, je le sais. J'attends sans hâte. Je n'ai pas peur du temps qui devra passer. Les heures sont juste les jolies arches d'un pont temporel qui nous relie.
Asphélia était amoureuse. Comme souvent quand on aime vraiment, on a l'impression de n'avoir jamais rien senti d'aussi fort, d'aussi puissant, grand, fort. Asphélia est toute entière à sa passion: une femme amoureuse qui n'est plus rien d'autre que le jouet de sa passion. On est sur un nuage quand on aime comme cela. On ne s'intéresse plus qu'à nourrir sa passion. Les gens amoureux sont assez monolitiques. Ils perdent vite leur faculté de nous intéresser, de nous étonner. Ils ne présentent d'attrait que pour l'autre, la personne choisie, élue.
C'est pourquoi nous préférons arrêter là cette ligne temporelle, et revenir en arrière. Comment Asphélia en était-elle arrivée au point où nous la trouvons?

19 décembre 2006

Une seule nuit (textes érotiques, interdit -18ans)

Une seule nuit
1992
La nuit mêlée à la pluie couvrait la ville. Une circulation ténue se maintenait, formée d'autobus, de taxis, entre les gares, et de quelques autos. La jeune femme lisait un livre de poche, et son buste oscillait au rythme du bus. Sa poitrine, de taille moyenne, attirait le regard des hommes. Les plus désoeuvrés s'y attardaient, sans vergogne. C'est vrai que la forme équilibrée se dessinait clairement sous un corsage soyeux, s'arrondissait, se durcissait, aux molles oscillations des amortisseurs du bus. Les voyeurs -nous le sommes tous un peu- se complaisaient dans ce spectacle. Qui oserait prendre une initiative? Aller vers la jeune femme, lui adresser la parole? Elle avait accepté la conversation, et même avec assez de plaisir. On la sentait attirée par le mystère d'une rencontre en transfert, dans l'autobus. La pluie, la nuit, l'inconnu, risque à prendre, et qu'elle acceptait. Cela continuait dans un bar, où ils s'étaient isolés autour d'une petite table. Son regard vous dévorait. Elle était affamée, et vous jaugeait, comme on estime le poids d'une proie. Elle avait depuis longtemps acquis la certitude que sa soirée serait agréable et pleine d'imprévus.
Plus tard, elle s'allongeait sur le lit, le regard vers le plafond, la jupe à peine relevée. Mécaniquement les mains de l'homme lui caressaient les jambes, ermontant doucement vers le haut des cuisses. La station des mains à l'entrecuisse se prolongea. Elle frémit, lui jetant un regard fuyant, qui fuyait vers le pantalon de l'homme. Elle mit une main en aveugle là où l'homme l'attendait. Ils se tenaient mutuellement, se caressaient, si échauffés que bientôt les mains n'y suffirent plus. Leurs doigts gluants s'emparèrent des sexes, les aboutèrent. L'enclenchement se fit, comme un raccordement de wagons à la Gare du Nord. Il se répéta périodiquement. Avec un peu de dureté, de sauvagerie, il tirèrent sur les rênes du plaisir. Celui-ci vint après de longs hennissements. une hésitation les prit au moment du retrait. Ils revinrent à la charge, se retournèrent, roulèrent dans l'arène des amours transitoires. Suivirent des adieux au matin blême, en silence, sans regret. Ils étaient pleins de leur sommeil mêlé. La torpeur de l'aube disparut sans laisser de trace apparente.



Marie-France
06/05/1990

Jean avait déployé Le Monde. Apparemment, il attendait quelqu'un, à cette terrasse de café, près du Trocadéro. Le ciel était clair, pour l'instant, mais rien n'autorisait à supposer qu'il ne pleuvrait pas dans la soirée.
A cinq heures et demie, elle n'était toujours pas là. Jean se répéta la phrase type de ce genre de circonstances: elle aura été retenue par quelque importun. Oui, elle aura été retenue par un "porte-un costard troi-pièces". Son mari, pour une fois, alors qu'il est généralement absent? Il serait réapparu à l'improviste pour régler quelque affaire concernant leurs enfants, ou les finances de Marie-France. Ce mari était un gars très réglo sur le plan financier. Il avait toujours largement pourvu à la situation matérielle de Marie-France, qui quant à elle n'avait jamais travaillé, se consacrant entièrement à des tâches plus nobles, telles que l'éducation de ses enfants, les courses, la décoration de leur intérieur -son intérieur à elle maintenant- bref de quoi occuper pleinement les journées de madame, à condition que l'argent vienne comme à son habitude. Le mari de madame gagnant très bien sa vie, il n'y avait pas de raison que cela s'arrête. C'était d'ailleurs une des raisons nécessaires mais pas suffisantes pour lesquelles Marie-France et monsieur s'étaient aimés, réellement aimés, épousés, avaient eu de beaux enfants. Une autre raison était leur passion commune pour l'art décoratif occidental comme oriental. Ils connaissaient bien les antiquaires, les galeries, en Europe, Asie, Amérique. Mais tout cela ne suffisait pas, et au fil du temps, l'amour initial s'était refroidi, bientôt remplacé par un simple lien formel et officiel.
Comme il fallait quelqu'un qui puisse accompagner Marie-France dans ses recherches d'objets, un avocat, Jean, avait progressivement occupé la fonction. Cette fonction, il ne lui avait pas fallu longtemps pour l'étendre à celle d'amant officiel. Preuve de l'attachement de Marie-France à son amant, une collection de bouteilles de Champagne vides, au dessus du meuble de vaisselle dans la cuisine: un régiment de bouteilles vides. Ce butin, elle l'avait volé à la vie. Chaque bouteille était une borne marquant le souvenir d'une soirée passée avec Jean. Presque personne n'était dans le secret de cette collection.
A queqlues pas de la terrasse où il était assis, Jean vit Marie-France descendre d'un taxi, avec une élégance et un naturel admirables. Le garçon de café l'observa à la dérobée en se disant que cette jolie femme n'avait pas dû prendre le métro très souvent. Madame s'assit près de son ami, le saluant d'un sourire. Jean une fois de plus était sous le charme. Il lui fallait recommencer à briller comme l'un des diamants de madame. Un trait d'esprit, plein d'à-propos, un "comment-allez-vous très chère?" ou "que boirez-vous par cette belle nuit d'automne?". En public, ils se vouvoyaient par jeu.

08/05/1990
Assise au bord du lit, Marie-France méditait. Elle se retrouvait seule. Seule dans sa chambre, seule dans l'appartement, seule dans son lit, seule dans sa vie.
Elle réfléchit: -sa vie? L'idée ne se laissait pas cerner. Etait-ce sa vie sexuelle, comme disent les Américains? Non, c'était vraiment plus général. Il y avait cela aussi, c'était très important: sentir son clito bien mouillé, caressé, gonflé. Alors elle ne se dominait plus. Il lui fallait glisser un doigt quand elle était seule, un membre viril s'il s'en présentait un à portée de main. Elle se faisait alors porter, porter par l'instinct. Elle devenait félin vorace, mante religieuse, ou misérable souris qui peine au long du coït, visant l'extase avec un bonheur variable.
Après, le feu extrait de son corps, elle s'était souvent sentie bien, très bien, flottant sur un nuage. D'autres fois, c'était un moment de vacuité, un sentiment d'annihilation, une nausée complète (qu'ai-je fait, pourquoi? Je me suis réduite encore, quelle défaite).
Au bout du compte, des moments de plaisir ou d'après-plaisir, il ne restait jamais grand chose. Pourtant elle s'y savait condamnée à sans cesse y revenir. Ele s'y replongerait de tout son corps.
Et ce n'était pas tout. Il y avait aussi les confidences, les mots si forts échangés, l'impression de proximité, la douceur, la fusion mielleuse? Le rappel de l'enfance. La Savoie, chemins terreux ou pierreux, vaches et alpages. Adolescence, sommets. Elle avait marché avec enthousisame dans les Alpes. L'ascension la faisait progresser dans la grande quête. Elle rêvait du sage aux pieds légers qu'elle rencontrerait en sortant d'un faux-plat. Dieu n'existait plus. Avait-il jamais existé pour elle? Par compensation, l'homme sans âge, Jésus, ou Zarathoustra, visitait son sommeil.

Le téléphone sonna, la tirant de ses pensées. C'était Jean. Ah, Jean? Quel homme agréable. Il tenait à la perfection le rôle d'amant officiel. Ils passaient toujours d'agréables moments ensemble. Pourtant ce n'était qu'une grille d'instants, avec l'intermittence que cela implique, et les vides jamais remplis, cette angoisse récurrente qui hantait Marie-France. La quarantaine était passée. L'ardeur restait, mais cette rdeur avait changé de forme pour s'exprimer. Au fond de son oeil bleu, on pouvait apercevoir la terreur, une profonde et saisissante terreur de vieillir. Cette même terreur, au lie d'être paralysante, l'aidait à sourir, et ne faisait que l'embellir. De beau visage grec, elle devenait déesse intemporelle. Marie-France avait alors quelque chose d'Antinea, mystérieuse au milieu des sables.



Primitifs
Sur un Lied de Webern, déstabilisant.
Ses bras empoignèrent les jambes de la femme par dessous, comme on fait pour porter une large bûche. Fier de son petit numéro d'haltérophilie, il entama avec beaucoup de conviction la montée du télescope. Quand l'alignement fut réalisé, il commeça la poussée. Elle coulait abondamment. Ce fut elle qui se laissa descendre, vertigineusement sur la luge affolante du plaisir sans frein. Elle se sentait tellement contrainte qu'elle n'avait plus à penser, ce qui la libérait. Elle aimait que cette tempête se soit soudain mise à passer sur elle, lui triturant le clitoris, lui arrachant des petits cris et de grands envols lyriques au cours duquel ses rêves s'imprimaient en italique renforcé. Le mâle à massue la prenait de tous ses muscles, elle était une femme-guenon en rut, volant de liane en liane, lui faisant croire qu'elle le fuyait pour qu'il soit plus vite sur elle. Il la bloquait contre un arbre, elle s'échappait à nouveau.Reprise, elle se débattait rageusement, puis acceptait l'étreinte. Quand vint le jet puissant de sperme, elle tordit son corps, s'agrippa des quatre mains pour ne pas être balayée par un vent à briser la forêt dense. Les chacals hurlaient dans son Hollywood de série B. Elle aussi, se bloqua en extase. Elle se rompit en mille morceaux et dut se ramasser par terre, à droite, à gauche, quand bien plus tard elle voulut se reconstituer. Le salaud déjà rebouclait sa ceinture. La salope refermait son soutien-gorge brillant. L'attrait surexcitant de la banalité était bien le seul intérêt du lieu et de la scène. L'avaient-il répétée?


Train de nuit
Allemagne
Les trains allemands permettent en tirant les banquettes de constituer l'équivalent d'un grand matelas qui remplirait le compartiment. Je me préparais cette nuit-là à dormir confortablement. J'avais compactifié le compartiment, en déployant les banquettes, c'était maintenant mon dortoir de campagne. Mon sac de permissionnaire était dans le panier à bagage, mes chaussures aussi. Par égard pour moi-même autant que pour le contrôleur, j'avais même été jusqu'à changer de chaussettes. Autant cous dire que le compartiment ne resemblait en rien à ceux qu'on voit si fréquemment dans les trains empruntés par des militaires: lorsqu'on ouvre la porte, des gaillards affalés ronflent à pleine bouche, et exhalent des odeurs de combustion alcoolique de Kro ou de 33.
Un quart d'heure après que j'aie éteint l'éclairage principal, je me forçais à fermer les yeux en me persuadant de dormir. la veilleuse jouait son rôle habituel de croque-mort, répondant aux néons blafards des gares sinistres que l'ontraverse entre l'Allemagne et Paris. Voir la veilleuse, c'est signe qu'on est vivant et éveillé. La porte glissa, avec un décrochage un peu brutal au début, et un mouvement plus silencieux. Une femme entra, et referma la porte coulissante. Etant déjà allongé, je faisais semblant de dormir, observant d'un oeil la nouvelle arrivée. J'avais occupé le tarrain comme c'est de bonne guerre dans les trains. On n'aime pas devoir relever les sièges et retrouver une position assise, simplement parce que des passagers montent à une halte blême à deux heures du matin!
Il n'était pas deux heures du matin, et je n'avais pas poussé le vice à m'étaler en diagonale. Il restait donc pas mal de place pour la femme dans ce wagon vieillot et presque accueillant. Elle avait retiré ses chaussures à l'entrée du compartiment. Montée avec légèreté sur le continuum compact des banquettes, elle avait déposé son sac et ses chaussures dans le panier à bagages, exactement face à celui que mes bagages occupaient. Je jetai un clin d'oeil clandestin au panier qu'il y avait au-dessus de ma tête: j'y voyais mes godasses qui s’aéraient là-haut. La femme s'allongea, tête-bêche par rapport à moi, ses pieds près de ma tête. Elle avait gardé son manteau. moi, j'avais retiré le mien. il était près de ma tête, sur le côté. J'ai toujours eu le réflexe d'avoir mon portefeuille à moins de 30 cm de mes oreilles, pour détecter tout mouvement suspect le concernant.
Je vis que la femme se tournait doucement, à droite et à gauche, en se frottant les pieds l'un contre l'autre. je lui proposai mon manteau, à voix basse, pour ne pas rompre brusquement le silence du wagon, ni interférer avec les vibrations basse fréquence occasionnées par le franchissement périodique des traverses de la voie ferrée. Elle fut pourtant surprise. ses yeux lumineux me regardèrent. Elle accepta, d'un sourire. J'ajustai mon manteau sur ses pieds. plus tard je la sentis remuer légèrement, de contentement cette fois. Son corps dégageait une agréable chaleur. Quelle sensation étrange, un bien-être qui va de soi, un confort du partage entre deux personnes inconnues l'une à lautre. Complicité dans l'altérité. Elle se rendit compte que je l'observais, méditatif. Ce n'était plus un sourire poli sur ses lèvres, mais un long appel interrogatif. Comme au fond des bois le souffle du vent, calme, persistant. Les branches ne peuvent l'ignorer, et se plient en mesure. Ses lèvres brillaient un peu, d'un maquillage ancien, qui n'avait pas été restauré depuis le début du voyage. Je sentis le corps de ma voisine se tourner vers le mien. Je caressai doucement ses pieds. Le contrôleur alluma l'éclairage principal, après avoir ouvert d'une impulsion la porte du compartiment. Les billets contrôlés, il éteignit, referma.
Ma voisine s'allongea à mon côté, en tête à tête. Nous jouions le tempo du train, traverse après traverse, jusqu'au voies de garage du plus profond abandon de soi à l'autre.
Au petit matin, rafraîchis par une toilette de fortune, nous nous sommes quittés, ou plus simplement, chacun est parti de son côté, un peu honteux, un peu triste, heureux quand même du voyage accompli.


Voisines
Elle fermait les yeux, rejetant sa tête en arrière, prête à avaler de troubles nuages ou à laisser monter en elle le bond vertigineux. Ele excellait à ce jeu de provocation sensuelle. A deux pas d'ici elle monterait accompagnée, ou plutôt elle se ferait monter après s'être faite accompagner. La question était de savoir si cela s'accomplirait en douceur ou avec vigueur, à grande humidité, ou bien presque à sec -ce qui, bien géré, avait aussi son charme-. L'homme se couvrirait de latex, comme un chevalier abaissant son heaume, et la bataille commencerait furieusement. La furia francese avec une bonne grosse lance, qu'il faudrait capturer, serrer, laisser partir, revenir, avant qu'enfin le compte y soit, la grande secousse, le petit frisson, un coup de grâce qu'on donne par humanité aux blessés du champ de bataille, qui la faisait invariablement hurler si fort qu'on l'entendait dans la cage d'escalier.
Dans l'appartement du dessous vivait une autre jeune femme qui ne lui ressemblait pas. La fille du dessous portait des dessous fins, alors que la femme aspireuse de boas s'allégeait souvent sous une jupe de cuir, pour mieux laisser diffuser l'odeur de son sexe, qui faisait l'ambassade de ses humeurs belliqueuses auprès des hommes qui l'intéressaient. La fille des dessous avait souvent un corsage blanc, sous lequel on devinait sans peine les légers soutiens que les femmes donnent à leur buste, pour le redresser, le lancer au ven comme un spinaker, l'arborer à la proue, inspirer l'envie de toucher, palper, dévoiler, de déballer sous la lumière au néon ces jouets de rêve. On aurait voulu la baiser debout, toute habillée, après avoir passé juste une main secourable, partie en exploration entre les jambes, sous le slip, dans le sexe, pour triturer calmement le clitoris, le faire sortir de ses gonds en la faisant bien huiler. Scénario simple mais d'autant plus plaisant.
Quiconque ayant aperçu et la fille du haut et celle du bas n'aurait plus eu qu'un fantasme: connaître la moiteur de la femme du haut, avec une jupe en cuir et rien dessous, et faire durer le voyage avec la femme du dessous à dentelle.




La boulangère
Vous pouvez m'appeler Suzanne. je suis boulangère, bonne pâte bien sûr. Les gens racontent des histoires sur les boulangères. La femme, l'épouse, la marchande de pain.Celle qui enfourne tout, et profondément. C'est dégoûtant.
Le métier est dûr vous savez. On travaille beaucoup. Le boulanger va dormir quand la boulangère ouvre. derrière le comptoir on se fait vite une idée du monde, et c'est pas bien joli, le monde. Les gens passent tous à la boulangerie, certains plusieurs fois par jour, certains on s'en passerait. Il y a aussi nos employés, souvent faux-jetons: l'apprenti, et la vendeuse. La vendeuse souvent tourne mal. On les sent venir, maquikllées, les nymphettes. T'as pas plutôt le dos tourné que ça se fait engrosser. et puis, elles partent, faire leur enfant ailleurs. Au mieux c'est pour se marier qu'elles s'en vont, sinon, elles recommenceront ailleurs. La dernière qu'on a renvoyé, pour la réputation de la maison, je l'ai vue à son affaire. C'était pendant midi, à l'heure de la pause. J'étais dans la pièce à côté. J'entends des rires, des gloussements de la petite. Par la porte entrouverte, je regarde discrètement. Je la vois qui retire sa culotte, une culotte blanche à dentelles, et se passe la main sur sa motte brune. Lui, je ne le vois pas. Tout juste une grosse queue qui dépasse, et s'approche de la vendeuse. La bite de l'apprenti s'avance encore vers la gamine qui ne rit plus. Elle sourit un peu inquiète. Il avance encore et se place. Elle lui met les bras autour du cou. Il lui palpe les seins sous la blouse. Elle écarte les jambes et se hisse sur sa bite. Elle se laisse descendre en savourant longuement sa glissade. On entend des glouglous vaginaux, ca mouille. Moi aussi ca me fait quelque chose de doux et chaud. Il la tringle debout, la transporte avec une pénétration bien profonde, au bout de sa baguette, et la dépose sur la table. Il prend alors un rythme régulier et sans appel, pour la finir. Je n'arrête pas de ruisseler de sueur et de foutre. Moi aussi je voudrais bien me l'enfoncer ce petit gars. Je frappe à la porte. Instantanément ils reprennent une attitude de travail, en faisant semblant de ranger. Moi je sais tout. J'envoie la fille au four. Dès qu'elle est sortie, je passe près du gars, en laissant traîner ma main à hauteur de son entrejambe. Je le pale précipitamment, faisant semblant de rien. Il bande bien fort. Ca ne lui déplaît pas d'être touché, le petit salaud. Je lui prend la main, que j'introduis sous ma jupe et puis dans mon corsage, sous la blouse. Il est vite convaincu. Alors, il veut m'empoigner comme il fait pour la gamine. pas question, c'est moi qui commande. Suis-moi. Je l'emmène dans sa chambre sous le toît. En passant je prends un préservatif dans la salle de bain. Mon coco, je te la lèche. il est encore gluant de sperme, j'en profite. Puis, fermement, d'un geste sûr, je lui place la capote. Il est surpris, mais pas déçu du tout.On y va de bon coeur. des grandes secousses musclées, puis de la sueur et des râles couverts. le grand frisson m'électrocute.
On le renverra, mais après la fille, comme ça je l’aurai un peu pour moi.

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10 décembre 2006

Adios Las Vegas (8)

Dire que Circé n'a pas changé serait faux. Elle a parfois des instants d'absence.Son chariot de provisions plein, dans la queue des caisses, son regard se fixe sur une couverture de magazine. On y voit un militaire souriant sous son casque. Il fait beau là-bas. On doit avoir chaud avec l'équipement de combat complet.Circé se représente Mike. Ses traits se sont ancrés dans la photo, en substitution de GI-sourire. Mike ne sourit pas. Elle en est certaine. Au plus a-t-il peut-être les traits détendus. Mike est une personne organisée, il est concentré sur ce qu'il a à faire. Elle le voit démonter son fusil automatique, le nettoyer, le lubrifier, et le remonter. Ces tâches sont le lot de l'armée du temps de paix, celle qui ne se bat pas. Cette armée de défense qui n'en finit pas de se préparer à un combat rejeté hors du probable. Une guerre qu'on attend sans jamais l'espérer.La guerre, le combat, jusqu'à ce qu'ils arrivent, c'est un plan d'Etat Major, une abstraction de livre d'histoire, un film de guerre, un reportage sur des feux mal éteints, en zone sismique et volcanique où la croûte terrestre est irrégulière.Au bord du désert des Tartares, le long de la frontière, patrouillent linéairement des soldats en véhicules blindés légers. Un chef de peloton exhibe ses jumelles électroniques, déplace son regard le long de la ligne de crête. Parfois il presse le bouton envoi, et déclenche la transmission de son champ de vue vers un écran du centre de supervision "QG frontière". Là-bas un mur d'écran permet aux officiers d'Etat Major de surveiller la situation aux frontières du "sanctuaire national".Circé, qui s'est laissée aller vers cette représentation, doute de l'exactitude de la description. Les Etats Unis n'ont pas de frontière dangereuse: au Nord le Canada, au Sud le Mexique. Certes face à Miami se trouve Cuba.Du côté canadien, il y a eu la contrebande de whisky au temps de la Prohibition. Sans doute des règlements de compte mafieux, mais quoi de plus? Le Canada, c'est un peu une annexe amicale. Au moment du 11 septembre, le gel du ciel des Etats Unis a été allégé par l'aide des aéroports canadiens, devenus parking d'avions américains, avec une prise en charge des passagers au Canada.Du côté du Mexique, un mur de béton s'est déployé, avec barbelés et miradors, pour "les" empêcher de "nous" envahir. Les patrouilles de la frontière ne sont pas de l'armée mais du service de l'immigration. Une cinquantaine d'équipes de l'immigration. Ces hommes en lunettes noires et casquette vous raccompagnent à la frontière de façon musclée. Vous avez travaillé 20 ans ici? Vos enfants sont citoyens des Etats Unis? Vous trouvez toujours du travail et on vous apprécie? Adios amigo! Que lo pases muy bien en tu pais.On vous met dans un fourgon policier, un de ces mastodontes "Hummer", véhicule sinistre, et c'est le "retour". Vous avez perdu au Monopoly du pauvre, ne passez pas par la case départ, adios! Case prison. Fini, le monde s'écroule, à Tijuana ou ailleurs.Circé recadre son film. C'est maintenant l'époque de la frontière entre le bien et le mal, entre nous et "eux". La ligne doit être tracée en rouge, et pousser ces gens hors du territoire américain. Au bord du sanctuaire-pays, un pare-feu est creusé. L'Europe est dans ce fossé. Le Japon aussi, et Taïwan, et la Corée du sud.Les patrouilles des frontières?Il y a des porte-avions, un peu vieux de coque, mais équipés de tout ce qu'il faut et que les autres n'ont pas.La bulle autour du porte-avions a plusieurs membranes. Tout d'abord la sphère d'action des hélicoptères lance-roquettes, puis celle de la surveillance radio, connexion aux satellites, radar de détection, enfin la sphère d'intervention des avions, largement continentale, et du dond des eaux, les missiles intercontinentaux des sous-marins, perpétuellement en mission.Un système de communication à très basse fréquence crée le lien ultime et incassable entre le fond des mers et l'espace orbital. Est-ce une guerre des étoiles? Oui, pour l'idéologie du film, qui décrit une "Fédération".Circé revient à la réalité. Elle se reconnecte à l'immédiateté des choses. Son regard avait flotté. Il se pose après une traversée du rayon des disques Bluray. Star Wars/Guerra de las galaxias.Circé passe à la caisse. Son tour vient de s'exprimer en tant que consommatrice. Elle étale ses achats sur le tapis de caisse. Les produits sont scannés. Chaque produit active un lien avec le fichier de référence qui le caractérise. Il suffit pour cela d'un coup de laser. Les photons réfléchis entrent dans le capteur. La représentation informatique de l'objet est invoquée. Son instanciation est transférée du domaine du stock interne au registre des produits vendus. Sortie du produit, poussé dans le domaine du marché consommateur. Les choses, l'idée qu'on en a. Une idée, beaucoup d'instanciation. On retrouve mûrie au fil des siècles les bases de la pensée nominaliste médiévale. Nommer, étiqueter, c'est étendre de façon absolue son pouvoir sur les choses, à l'ère informatique de machine à machine. Bouger des paquets étiquetés.Circé visualise l'uniforme, l'armement du GI-sourire. Elle extrapole, et pense à beaucoup de petits soldats reproduisant à l'identique, conformément aux instructions, aux règles de comportement, l'idée de ce que doit être un soldat. Le soldat-modèle est un descripteur informationnel, rendu informatique lorsqu'on le programme.Mike en résulte. Il est objet, paquet étiqueté, suivi dans ses mouvements, détecté, guidé.Mike est un personnage instancié dans un jeu vidéo. Au même instant, des milliers de joueurs activent les manettes de leur console. Tous manipulent Mike.Circé se force à inverser le point de vue. C'est maintenant le vrai Mike qui injecte sa personnalité, comme on donne son sang. Il se clone des milliers de fois dans les instanciations simultanée de son personnage.Oui, se dit Circé, pas si nouveau que ça. Prenons les montres à aiguilles. Sur la planète, simultanément, des milliards de petites aiguilles et des milliards de grandes aiguilles décrivent les mêmes cercles, au même moment, avec à peu près la même vitesse angulaire. Voici bien une allégorie d'humanité en symbiose, mue par le sentiment océanique que décrivait Freud, celui d'être, ensemble, partie prenante.Qu'ensuite viennent des religions ou pas, c'est une autre histoire.Que religions et idéologies soient des bannières à la cause ou à l'habillage de conflit, quelle tristesse!Circé se laisse aller à cette mélancolie "océanique" du "tout va mal, et pour tout le monde". Elle, si optimiste, se prend à penser une perte universelle de sens.FIN

Adios Las Vegas (7)

Circé est rentrée en Pennsylvanie. Elle suit l'actualité internationale avec un intérêt nouveau. Elle a acheté des cartes géographiques du "théâtre d'opérations extérieures". Elle a lu des livres décrivant ce pays lointain, son histoire, sa culture. Donner un nom à son mal, c'est déjà commencer à le dompter. La dignité de l'homme: réduire sa propre souffrance en la formulant, reprendre les commandes, grâce au langage. Aussi, connaître un risque, c'est un peu le prévenir, en diminuer la prbabilité et l'amplitude. Plusieurs fois par semaine, Circé reçoit des e-mails de quelques lignes qui ne disent pas grand chose, sauf pour une des phrases, que Mike réussit à rendre signifiante uniquement pour eux-deux, et qui résiste à toute interprétation par la censure militaire. Circé garde tout de cette précieuse correspondance. La vie y coule comme une élégante cascade de notes de piano composée par Rachmaminov. Circé a aussi abouté les phrases personnelles, débarrassées de leur emballage, en un chapelet unique. Le résultat, esotérique, est vraiment poétique. Une nouvelle langue à deux locuteurs est née. Elle grandit, s'affermit, se donne des codes, une grammaire, une sémantique. Heureusement que dans leurs contextes hypercontraints ils disposent de cet espace commun de liberté, un pont-aérien-de-Berlin sur lequel ils peuvent marcher en altitude, pavé de mots solides et forts, de mots porteurs. Le lien vit, le lien prospère. Circé avait pendant quelques semaines redouté de se déssécher à attendre Mike. Régresser, vieillir prématurément, se sentir en nausée, comme dans une file d'attente administrative absurde et obligatoire. Heureusement, il n'en est rien. La plante est arrosée et illuminée d'une belle lumière naturelle. Elle grandit. Non elle ne se déssèche pas.

Adios Las Vegas (6)

Le temps est passé, celui du manque, de la déconnexion, celui qui fait mal. Mike est attaché à son siège d'avion. Il vole vers ce lieu d'opération, comme prévu depuis plusieurs semaines. La différence c'est qu'il se trouve maintenant dans la phase de réalisation, sans promesse d'après, juste la force pesante de l'être-là. Le plan et son exécution ont une saveur différente. Le plan est froid, rationnel, neutre, sans émotion. Par contre la mise en oeuvre, la mise-en-réalité, c'est une putain de sensation de faire une grosse connerie, de foutre sa vie en l'air, pire de foutre en l'air la vie de l'Autre tant aimée. Mike se dit:
-Je fais mon devoir, mais ma vie n'est pas là, n'est plus là. Il faut que j'en sorte. Je ne peux plus faire ça. Je ne peux pas faire ça à Circé, c'est à elle que je fais le plus de mal, en risquant ma vie dans cette guerre obscure.
Il tourne et retourne ses arguments, heurte sa tête au mur des contraintes inamovibles de son devoir, et de sa vie d'être humain. Pourtant, les émotions des derniers jours et les profonds changement qui l'on transformé, apportent un sommeil lourd à Mike. Au réveil, il est de nouveau dans le ton, à l'unisson de ses compagnons. Leur coeur est temporairement vide, leur esprit intégralement disponible, concentré sur leur mission et rien que sur elle. Ça aide. C'est la seule façon de ne pas péter les plombs. On arrête les conneries sentimentales, plus de temps pour le doute. Le sous-officier d'instruction avait une expression fleurie: la sodomisation gratuite de mouche en plein vol. Mike s'amuse à remarquer qu'il n'y a pas de mouche dans l'avion, pas de risque donc.

Adios Las Vegas (5)

Les voici partis dans un décor hollywoodien, reproduisant en l'interprétant la cour de Koubilaï Khan, à l'époque de la visite de Marco Polo. Les serveuses du casino ont toutes un pourpoint vénitien médiéval, avec des bas résille et un décolleté profond. Une allégorie de décolleté-fente de tirelire, par où entre l'argent, ou encore le gâteau dont on a retiré la cerise. Un ascenseur skinné tartare les emmène au vingt-septième ciel. La terrasse est un jardin oriental, planté d'érables japonais, au bord d'une piste d'hélicoptère.
-Circé, tu as déjà pris l'hélicoptère?
-Non
-Attends.
Mike s'adresse à une femme maître d'hôtel. Dix minutes plus tard, un hélicoptère se pose. Ils se baissent pour éviter les pales, et montent sans attendre. Circé donne sa main à Mike. C'est la première fois qu'ils sentent le besoin d'un rapprochement physique. Jusque là, les mots les ont seuls portés. Face à la légère menace physique, leurs corps sont côte à côte, heureux d'y être incités. L'hélicoptère est trop bruyant pour qu'on s'y parle. Alors Circé se blottit contre Mike, ce qui le réjouit. En retour ses bras s'arrondissent. Mike se dit que cet hélicoptère léger n'a rien à voir avec ceux qui déposent les troupes sur leur objectif: on saute et on court, parce que si on vous dépose à cet endroit, c'est parce que ça chauffe, rafales et explosions. Le vol est suspendu entre deux temps, Circé et Mike planent, sans souci ni notion d'un changement quelconque. Cette douce stabilité leur semble durer le temps d'une vie heureuse. Juste avant cette Vita Nova vient de s'imprimer, un relief, une courbure définitive, qui reviendra toujours à son état stable et fort, par mémoire de forme. Ont-ils pris un pli? Plutôt, ils sont le pli, la vallée-cocon qui les abrite. Rien ni personne ne leur retirera ça. L'hélicoptère les a déposés au sommet d'une meseta, avec des sièges et une tables pliant, un panier-brunch de luxe. Hors de vue de Las Vegas, les voici seuls, ou plutôt ils sont enfin deux. La conversation reprend avec un élégance appelée par le raffinement de la collation. Mike et Circé évoquent la religion qu'on leur a enseignée, où le désert est vérité et lumière hébraïque. Mike visualise le trait divin biblique sous forme d'un laser de puissance qui déplace les montagnes. Circé sourit à cette image titanesque. Pour elle, le premier plan est un autel rituel, planté sous le soleil. Mike se tait, sérieux. Ils savent la force du lien qui s'est formé. L'air pur du désert nourrit leurs poumons, leur donnant un souffle vital sans limite, et une clarté de vision unique et commune. Le champagne gazouille dans les flûtes. L'or de l'horizon, et l'or porté en calice. Le voyage les a mis hors-lieu, au coeur du désert mythique. Aussi leur retour au Marco Polo ressemble-t-il à celui du héros vénitien au port de Venise, après son long voyage d'Orient.
-Alors, Circé, cet anniversaire?
-Justement Mike, emmène-moi, allume une bougie.
Tous deux éclatent de rire et s'enferment vite dans la chambre de Mike.

08 décembre 2006

Adios Las Vegas (4)

Mike a grandi avec les romans du Grand Nord. L'aventure pour elle-même, verte, vivifiante. La peur face aux éléments déchaînés, le courage face aux situations imprévues et risquées.
-Mike, comment es-tu devenu soldat?
-Pour connaître mes limites, aller au bout de moi-même, physiquement comme intellectuellement. J'ai pu étudier. Comme tu vois je ne suis ni un costaud ni un grand cerveau, juste un type dans la norme. L'armée me convient bien.
-Pourquoi tu dis ça? La norme c'est l'armée?
-Oui, au fond c'est ça. Un périmètre défini dans lequel on peut évoluer en s'améliorant.
Circé, quoi qu'il arrive à partir de maintenant, je n'oublierai rien. Tout restera en moi.
-Mike, pour moi c'est pareil. Bon. J'ai faim. le soleil va se lever. emmène-moi dans un endroit sympa. Enfin, emmène-moi n'importe où. ce sera bien de toutes façons.
-Circé, regarde. il y a bien une terrasse là-haut?
-Oui
-C'est le Marco Polo. On y va?

05 décembre 2006

Adios Las Vegas (3)

Circé tend l'oreille. Elle n'est pas sûre, mais il lui semble avoir entendu un bruit léger. On frappe doucement à sa porte. Circé pense que c'est une des copines, qui vont et viennent de la chambre de l'une à celle de l'autre, sans formalité. Voir Mike la fait sursauter puis sourire. -Circé? Je ne te réveille pas? -Non, je n'arrivais pas à dormir. -Moi non plus. On va faire un tour? Dès qu'ils sont dans l'ascenseur, ils se sentent tout de suite mieux. Ils sont en confiance, plus libres que dans le groupe sympathique mais enveloppant qui les bridait dans l'échange. Circé n'est plus timide. Mike non plus. L'entente s'établit par la parole, une parole suffisante et complète, une parole efficace et nourrissante. Il faut s'expliquer au fond et à fond. Circé et Mike sont pleinement heureux de se faire face. Ils se comprennent. Ils n'en finissent pas d'approfondir. Assis sur un banc près d'une fontaine, ils se sentent en résonnance avec la galaxie. Harmonie, équilibre, tout est là: ne rien changer, laisser le temps passer autour. Ils entretiennent avec soin ce qu'ils ont, comme on souffle sur des braises qui rougissent et rougissent encore. Voici l'enfance de Circé qui affleure à la surface du conscient. Les images se dessinent, en partage autant qu'il est possible de partager ce qu'on ne saisit que par bouts de sens, avec une logique en élaboration. Un cache-cache en forêt dans la lumière blonde des arbres en automne. Le jeu des feuilles rouges et or, accrochées aux branches souples, sur un fond bleu rehaussé. Il y a, pour Mike, ce parc au bord de mer, en balcon, d'où on voit les voiliers glisser sur un support plan ondulant. Retour à Circé. Une fenêtre ouverte sur le passé premier, des sensations originelles. La perte d'un ours en peluche. Sa silhouette absente noyée, en creux, de larmes. Un principe d'Archimède de compensation du volume sensoriel manquant de douceur et caresse par un volume équivalent de larmes. Le voici retrouvé, odeur et toucher, enfin. Mike de nouveau, les vêtements déchirés, à la sortie de l'école. La honte de n'être plus conforme, mais dégradé, relégué, et de voir sa mère déçue. Aussi, la rage d'avoir été battu, de n'avoir pas eu le temps, la force, la technique, pour se défendre, reprendre le dessus, écraser l'adversaire. Circé. Fascinée par son professeur de musique. Voix, présence, l'homme, le premier dont elle sent la présence, le premier qu'elle voit dans son mystère. Mike. Un souvenir de la patronne d'un Diner's, un restaurant de hamburgers à l'ancienne. Elle s'appelait Julie, et avait des formes ondulantes.Courbes et courbures, le corps de Julie fascinait Mike. Seins voluptueux, fesses bombées, Julie définit encore le pictogramme de référence à la rubrique "femme" de Mike. -Julie savait-elle ce qu'il y avait derrière le regard de Mike? Demande Circé. -Tiens, bonne question, je n'y avais pas fait attention. J'avais d'emblée écarté tout espoir. Je pense qu'elle sentait mon regard, et que ça lui plaisait. Elle était toujours gentille et souriante. Je n'interprétais pas. Je ne sentais pas ces choses. J'en étais juste au regard brut, pas encore capable de savoir l'effet du regard porté. Circé. Il y avait eu un livre, qui tout de suite était devenu symbole d'enfance, de cette enfance idéale qu'on se construit et dure toujours, année après année. L'imagier retouché. Ce livre c'était "Au loin une voile" de Valentin Karateiev. On y vivait la Crimée heureuse des familles aisées avant la Révolution russe. Une enfance en col marin, jamais vécue, totalement fictive, plus intéressante que la vraie. Depuis, elle avait déposé sur ce substrat des liens nouveaux, des situations représentant le bien-être scénarisé: la réunion familiale selon Nikita Mikhalkov. La Belle Epoque confortablement bourgeoise. Mike: -C'est très beau, ce que tu me dis. Ils se taisent et laissent le désert réapparaître. C'est ce moment précieux avant que le soleil ne monte, quand il fait un instant plus froid, sous un ciel encore blanc. Mike reprend doucement, sans s'en rendre compte, et sans aucune rupture. Le mythe du coureur des bois, les romans de James Oliver Curwood, dans un Grand Nord dangereux du blizzard et des ours. C'était avant de lire Fenimore Cooper et Jack London. Des aventures au grand air, dans un cadre vert et tonifiant.

02 décembre 2006

Adios Las Vegas (2)

Mike franchit le portillon revolver de son hôtel. Il se dirige vers l'ascenseur. Il entre, appuie sur le bouton de son étage, 17. Il est seul dans l'ascenseur. La porte va se refermer. Quel calme! Monter à sa chambre. Prendre une douche. Soudain la porte de l'ascenseur se rouvre et quatre filles bruyantes entrent. L'une d'elles, un peu ronde, glousse. Mike sent qu'il est observé, et que les commentaires le concernent. Ses yeux se lèvent par curiosité. Il parcourt du regard le visage des filles. Se voyant regardées, elles rougissent. La plus ronde se décide à lui parler. C'est elle le boute-en-train, le porte-parole. Elle désigne une fille timide et dit: -C'est l'anniversaire de Circé. Elle est timide avec les beaux garçons. Des rires étouffés se propagent en fond sonore. Mike sourit, amusé: -Ah oui? Je m'appelle Mike. Bon anniversaire Circé. Circé le fixe un moment, incapable de répondre. Une amie la pousse du coude. Alors finalement, d'une voix claire de soprano, elle se lance: -Merci Mike. Mike a joué le jeu avec une apparente décontraction, mais maintenant le voilà gêné à son tour d'avoir causé l'inconfort de Circé. La meneuse a une lueur dans le regard: -Mike, vous avez des copains? -Tout plein mais pas ici. Pourquoi? -Alors c'est pas marrant. Vous êtes tout seul ici. Ils vous ont lâché? -Oui, c'est un peu ça. Je ne leur en veux pas. Ils n'avaent pas le choix. Quelque chose d'urgent à faire, alors ils ne sont pas venus, et moi, je suis là. -Mike, vous voulez nous retrouver en bas dans une heure? Mike hésite. Pas longtemps. Juste un peu. -Bonne idée. Merci. D'accord, dans une heure! Il fait un signe de la main en descendant de l'ascenseur. Quelques minutes plus tard, dans 5 chambres, 5 douches déversent de l'eau chaude sur 5 corps nus. Quatre femmes, un homme. Qu'est-ce que ça peut donner, tout ça? Nat, la plus hardie du clan, se dit: -Ce Mike, il me plaît bien. Mais bon, ce soir, c'est l'anniversaire de Circé. Le cadeau, joliment emballé, avec des rubans, c'est Mike. Circé, si ça marche, tu as vraiment de la veine. Il est bien foutu ce gars. Sous une douche parallèle, Circé tourne et retourne ses idées: -Dans quel piège je me retrouve. Ce type, Mike me semble bien ironique. Il y a de quoi: Nat est un peu sans-gêne, et les autres n'arrêtent pas de pouffer et glousser. Il ne doit pas avoir une bonne opinion de nous. Des filles entre elles. Un groupe un peu ringard. Moi aussi, je les trouve sympas, mais il y a des jours où je ferais sans. -Ce Mike, au fond je ne l'intéresse pas. Il est poli, c'est tout. Elle se savonne, se rince et soupire: -Merci Nat. Je vais juste être ridicule. Une fois de plus. Mike, sous la douche. Il vivait en temps limité le peu de temps qui lui reste à Vegas. Il ne réfléchissait pas trop. Il s'adaptait aux choses telles qu'elles venaient. Bon, cette Nat un peu espiègle lui avait mis sa copine Circé dans les pattes. Ladite Circé semblait bonne fille, sympa, mais vraiment coincée. Pas le genre de Mike. D'un autre côté, mieux valait passer la soirée avec un groupe de filles qui rigolaient, plutôt que de se morfondre seul dans un coin du flamboyant Vegas. Vegas c'est fait pour ça, la fête, le jeu. C'est ce que vous vendent les agences de voyage: on y trouve toujours une façon de s'amuser. On pourrait se demander si Circé s'est longtemps torturé l'esprit en prenant sa douche puis en choisissant ses vêtements. Oui, mais là, on n'a plus le temps. On peut à la rigueur l'imaginer intimidée, nerveuse, lorsqu'elle descend en ascenseur jusqu'au niveau du hall. Mike est là, en conversation avec les copines. Elles sont toutes là sauf Nat. Circé est contente de se fondre dans la masse. Ni la première, ni la dernière, ça lui va tout à fait. Mike lui sourit. Elle fait un signe. Finalement, Mike constate qu'il s'amuse avec les filles. Elles sont un peu bruyantes, mais elles savent raconter des blagues, entretenir une bonne ambiance. Il n'est pas en reste. Après une déambulation touristique sur le Strip, ils optent pour un repas médiéval dans l'hôtel Excalibur. Tout le monde connaît la légende du roi Arthur. Ca permet d'alimenter les discussions. Le temps passe agréablement. Mike parle à ses voisines. Circé ne se joint pas à cette conversation. Elle se le reprochera assez, une fois la soirée finie. Remontée dans sa chambre, elle est plus seule que jamais. Mike aussi s'est laissé entraîner par l'enthousiasme volubile du groupe, le temps de la soirée. Maintenant dans sa chambre, il se retrouve face à ses ombres. Un avenir incertain, menaçant même, l'attend, tout proche. Les Grecs disaient que l'avenir repose sur les genoux des dieux. Mais, bien plus tard, ce même soir, qu'est-ce qui a poussé Mike à se lever, quitter sa chambre, aller frapper doucement à cele de Circé ? Mike franchit le portillon revolver de son hôtel. Il se dirige vers l'ascenseur. Il entre, appuie sur le bouton de son étage, 17. Il est seul dans l'ascenseur. La porte va se refermer. Quel calme! Monter à sa chambre. Prendre une douche. Soudain la porte de l'ascenseur se rouvre et quatre filles bruyantes entrent. L'une d'elles, un peu ronde, glousse. Mike sent qu'il est observé, et que les commentaires le concernent. Ses yeux se lèvent par curiosité. Il parcourt du regard le visage des filles. Se voyant regardées, elles rougissent. La plus ronde se décide à lui parler. C'est elle le boute-en-train, le porte-parole. Elle désigne une fille timide et dit: -C'est l'anniversaire de Circé. Elle est timide avec les beaux garçons. Des rires étouffés se propagent en fond sonore. Mike sourit, amusé: -Ah oui? Je m'appelle Mike. Bon anniversaire Circé. Circé le fixe un moment, incapable de répondre. Une amie la pousse du coude. Alors finalement, d'une voix claire de soprano, elle se lance: -Merci Mike. Mike a joué le jeu avec une apparente décontraction, mais maintenant le voilà gêné à son tour d'avoir causé l'inconfort de Circé. La meneuse a une lueur dans le regard: -Mike, vous avez des copains? -Tout plein mais pas ici. Pourquoi? -Alors c'est pas marrant. Vous êtes tout seul ici. Ils vous ont lâché? -Oui, c'est un peu ça. Je ne leur en veux pas. Ils n'avaent pas le choix. Quelque chose d'urgent à faire, alors ils ne sont pas venus, et moi, je suis là. -Mike, vous voulez nous retrouver en bas dans une heure? Mike hésite. Pas longtemps. Juste un peu. -Bonne idée. Merci. D'accord, dans une heure! Il fait un signe de la main en descendant de l'ascenseur. Quelques minutes plus tard, dans 5 chambres, 5 douches déversent de l'eau chaude sur 5 corps nus. Quatre femmes, un homme. Qu'est-ce que ça peut donner, tout ça? Nat, la plus hardie du clan, se dit: -Ce Mike, il me plaît bien. Mais bon, ce soir, c'est l'anniversaire de Circé. Le cadeau, joliment emballé, avec des rubans, c'est Mike. Circé, si ça marche, tu as vraiment de la veine. Il est bien foutu ce gars. Sous une douche parallèle, Circé tourne et retourne ses idées: -Dans quel piège je me retrouve. Ce type, Mike me semble bien ironique. Il y a de quoi: Nat est un peu sans-gêne, et les autres n'arrêtent pas de pouffer et glousser. Il ne doit pas avoir une bonne opinion de nous. Des filles entre elles. Un groupe un peu ringard. Moi aussi, je les trouve sympas, mais il y a des jours où je ferais sans. -Ce Mike, au fond je ne l'intéresse pas. Il est poli, c'est tout. Elle se savonne, se rince et soupire: -Merci Nat. Je vais juste être ridicule. Une fois de plus. Mike, sous la douche. Il vivait en temps limité le peu de temps qui lui reste à Vegas. Il ne réfléchissait pas trop. Il s'adaptait aux choses telles qu'elles venaient. Bon, cette Nat un peu espiègle lui avait mis sa copine Circé dans les pattes. Ladite Circé semblait bonne fille, sympa, mais vraiment coincée. Pas le genre de Mike. D'un autre côté, mieux valait passer la soirée avec un groupe de filles qui rigolaient, plutôt que de se morfondre seul dans un coin du flamboyant Vegas. Vegas c'est fait pour ça, la fête, le jeu. C'est ce que vous vendent les agences de voyage: on y trouve toujours une façon de s'amuser. On pourrait se demander si Circé s'est longtemps torturé l'esprit en prenant sa douche puis en choisissant ses vêtements. Oui, mais là, on n'a plus le temps. On peut à la rigueur l'imaginer intimidée, nerveuse, lorsqu'elle descend en ascenseur jusqu'au niveau du hall. Mike est là, en conversation avec les copines. Elles sont toutes là sauf Nat. Circé est contente de se fondre dans la masse. Ni la première, ni la dernière, ça lui va tout à fait. Mike lui sourit. Elle fait un signe. Finalement, Mike constate qu'il s'amuse avec les filles. Elles sont un peu bruyantes, mais elles savent raconter des blagues, entretenir une bonne ambiance. Il n'est pas en reste. Après une déambulation touristique sur le Strip, ils optent pour un repas médiéval dans l'hôtel Excalibur. Tout le monde connaît la légende du roi Arthur. Ca permet d'alimenter les discussions. Le temps passe agréablement. Mike parle à ses voisines. Circé ne se joint pas à cette conversation. Elle se le reprochera assez, une fois la soirée finie. Remontée dans sa chambre, elle est plus seule que jamais. Mike aussi s'est laissé entraîner par l'enthousiasme volubile du groupe, le temps de la soirée. Maintenant dans sa chambre, il se retrouve face à ses ombres. Un avenir incertain, menaçant même, l'attend, tout proche. Les Grecs disaient que l'avenir repose sur les genoux des dieux. Mais, bien plus tard, ce même soir, qu'est-ce qui a poussé Mike à se lever, quitter sa chambre, aller frapper doucement à cele de Circé ? Mike franchit le portillon revolver de son hôtel. Il se dirige vers l'ascenseur. Il entre, appuie sur le bouton de son étage, 17. Il est seul dans l'ascenseur. La porte va se refermer. Quel calme! Monter à sa chambre. Prendre une douche. Soudain la porte de l'ascenseur se rouvre et quatre filles bruyantes entrent. L'une d'elles, un peu ronde, glousse. Mike sent qu'il est observé, et que les commentaires le concernent. Ses yeux se lèvent par curiosité. Il parcourt du regard le visage des filles. Se voyant regardées, elles rougissent. La plus ronde se décide à lui parler. C'est elle le boute-en-train, le porte-parole. Elle désigne une fille timide et dit: -C'est l'anniversaire de Circé. Elle est timide avec les beaux garçons. Des rires étouffés se propagent en fond sonore. Mike sourit, amusé: -Ah oui? Je m'appelle Mike. Bon anniversaire Circé. Circé le fixe un moment, incapable de répondre. Une amie la pousse du coude. Alors finalement, d'une voix claire de soprano, elle se lance: -Merci Mike. Mike a joué le jeu avec une apparente décontraction, mais maintenant le voilà gêné à son tour d'avoir causé l'inconfort de Circé. La meneuse a une lueur dans le regard: -Mike, vous avez des copains? -Tout plein mais pas ici. Pourquoi? -Alors c'est pas marrant. Vous êtes tout seul ici. Ils vous ont lâché? -Oui, c'est un peu ça. Je ne leur en veux pas. Ils n'avaent pas le choix. Quelque chose d'urgent à faire, alors ils ne sont pas venus, et moi, je suis là. -Mike, vous voulez nous retrouver en bas dans une heure? Mike hésite. Pas longtemps. Juste un peu. -Bonne idée. Merci. D'accord, dans une heure! Il fait un signe de la main en descendant de l'ascenseur. Quelques minutes plus tard, dans 5 chambres, 5 douches déversent de l'eau chaude sur 5 corps nus. Quatre femmes, un homme. Qu'est-ce que ça peut donner, tout ça? Nat, la plus hardie du clan, se dit: -Ce Mike, il me plaît bien. Mais bon, ce soir, c'est l'anniversaire de Circé. Le cadeau, joliment emballé, avec des rubans, c'est Mike. Circé, si ça marche, tu as vraiment de la veine. Il est bien foutu ce gars. Sous une douche parallèle, Circé tourne et retourne ses idées: -Dans quel piège je me retrouve. Ce type, Mike me semble bien ironique. Il y a de quoi: Nat est un peu sans-gêne, et les autres n'arrêtent pas de pouffer et glousser. Il ne doit pas avoir une bonne opinion de nous. Des filles entre elles. Un groupe un peu ringard. Moi aussi, je les trouve sympas, mais il y a des jours où je ferais sans. -Ce Mike, au fond je ne l'intéresse pas. Il est poli, c'est tout. Elle se savonne, se rince et soupire: -Merci Nat. Je vais juste être ridicule. Une fois de plus. Mike, sous la douche. Il vivait en temps limité le peu de temps qui lui reste à Vegas. Il ne réfléchissait pas trop. Il s'adaptait aux choses telles qu'elles venaient. Bon, cette Nat un peu espiègle lui avait mis sa copine Circé dans les pattes. Ladite Circé semblait bonne fille, sympa, mais vraiment coincée. Pas le genre de Mike. D'un autre côté, mieux valait passer la soirée avec un groupe de filles qui rigolaient, plutôt que de se morfondre seul dans un coin du flamboyant Vegas. Vegas c'est fait pour ça, la fête, le jeu. C'est ce que vous vendent les agences de voyage: on y trouve toujours une façon de s'amuser. On pourrait se demander si Circé s'est longtemps torturé l'esprit en prenant sa douche puis en choisissant ses vêtements. Oui, mais là, on n'a plus le temps. On peut à la rigueur l'imaginer intimidée, nerveuse, lorsqu'elle descend en ascenseur jusqu'au niveau du hall. Mike est là, en conversation avec les copines. Elles sont toutes là sauf Nat. Circé est contente de se fondre dans la masse. Ni la première, ni la dernière, ça lui va tout à fait. Mike lui sourit. Elle fait un signe. Finalement, Mike constate qu'il s'amuse avec les filles. Elles sont un peu bruyantes, mais elles savent raconter des blagues, entretenir une bonne ambiance. Il n'est pas en reste. Après une déambulation touristique sur le Strip, ils optent pour un repas médiéval dans l'hôtel Excalibur. Tout le monde connaît la légende du roi Arthur. Ca permet d'alimenter les discussions. Le temps passe agréablement. Mike parle à ses voisines. Circé ne se joint pas à cette conversation. Elle se le reprochera assez, une fois la soirée finie. Remontée dans sa chambre, elle est plus seule que jamais. Mike aussi s'est laissé entraîner par l'enthousiasme volubile du groupe, le temps de la soirée. Maintenant dans sa chambre, il se retrouve face à ses ombres. Un avenir incertain, menaçant même, l'attend, tout proche. Les Grecs disaient que l'avenir repose sur les genoux des dieux. Mais, bien plus tard, ce même soir, qu'est-ce qui a poussé Mike à se lever, quitter sa chambre, aller frapper doucement à cele de Circé ? Mike franchit le portillon revolver de son hôtel. Il se dirige vers l'ascenseur. Il entre, appuie sur le bouton de son étage, 17. Il est seul dans l'ascenseur. La porte va se refermer. Quel calme! Monter à sa chambre. Prendre une douche. Soudain la porte de l'ascenseur se rouvre et quatre filles bruyantes entrent. L'une d'elles, un peu ronde, glousse. Mike sent qu'il est observé, et que les commentaires le concernent. Ses yeux se lèvent par curiosité. Il parcourt du regard le visage des filles. Se voyant regardées, elles rougissent. La plus ronde se décide à lui parler. C'est elle le boute-en-train, le porte-parole. Elle désigne une fille timide et dit: -C'est l'anniversaire de Circé. Elle est timide avec les beaux garçons. Des rires étouffés se propagent en fond sonore. Mike sourit, amusé: -Ah oui? Je m'appelle Mike. Bon anniversaire Circé. Circé le fixe un moment, incapable de répondre. Une amie la pousse du coude. Alors finalement, d'une voix claire de soprano, elle se lance: -Merci Mike. Mike a joué le jeu avec une apparente décontraction, mais maintenant le voilà gêné à son tour d'avoir causé l'inconfort de Circé. La meneuse a une lueur dans le regard: -Mike, vous avez des copains? -Tout plein mais pas ici. Pourquoi? -Alors c'est pas marrant. Vous êtes tout seul ici. Ils vous ont lâché? -Oui, c'est un peu ça. Je ne leur en veux pas. Ils n'avaent pas le choix. Quelque chose d'urgent à faire, alors ils ne sont pas venus, et moi, je suis là. -Mike, vous voulez nous retrouver en bas dans une heure? Mike hésite. Pas longtemps. Juste un peu. -Bonne idée. Merci. D'accord, dans une heure! Il fait un signe de la main en descendant de l'ascenseur. Quelques minutes plus tard, dans 5 chambres, 5 douches déversent de l'eau chaude sur 5 corps nus. Quatre femmes, un homme. Qu'est-ce que ça peut donner, tout ça? Nat, la plus hardie du clan, se dit: -Ce Mike, il me plaît bien. Mais bon, ce soir, c'est l'anniversaire de Circé. Le cadeau, joliment emballé, avec des rubans, c'est Mike. Circé, si ça marche, tu as vraiment de la veine. Il est bien foutu ce gars. Sous une douche parallèle, Circé tourne et retourne ses idées: -Dans quel piège je me retrouve. Ce type, Mike me semble bien ironique. Il y a de quoi: Nat est un peu sans-gêne, et les autres n'arrêtent pas de pouffer et glousser. Il ne doit pas avoir une bonne opinion de nous. Des filles entre elles. Un groupe un peu ringard. Moi aussi, je les trouve sympas, mais il y a des jours où je ferais sans. -Ce Mike, au fond je ne l'intéresse pas. Il est poli, c'est tout. Elle se savonne, se rince et soupire: -Merci Nat. Je vais juste être ridicule. Une fois de plus. Mike, sous la douche. Il vivait en temps limité le peu de temps qui lui reste à Vegas. Il ne réfléchissait pas trop. Il s'adaptait aux choses telles qu'elles venaient. Bon, cette Nat un peu espiègle lui avait mis sa copine Circé dans les pattes. Ladite Circé semblait bonne fille, sympa, mais vraiment coincée. Pas le genre de Mike. D'un autre côté, mieux valait passer la soirée avec un groupe de filles qui rigolaient, plutôt que de se morfondre seul dans un coin du flamboyant Vegas. Vegas c'est fait pour ça, la fête, le jeu. C'est ce que vous vendent les agences de voyage: on y trouve toujours une façon de s'amuser. On pourrait se demander si Circé s'est longtemps torturé l'esprit en prenant sa douche puis en choisissant ses vêtements. Oui, mais là, on n'a plus le temps. On peut à la rigueur l'imaginer intimidée, nerveuse, lorsqu'elle descend en ascenseur jusqu'au niveau du hall. Mike est là, en conversation avec les copines. Elles sont toutes là sauf Nat. Circé est contente de se fondre dans la masse. Ni la première, ni la dernière, ça lui va tout à fait. Mike lui sourit. Elle fait un signe. Finalement, Mike constate qu'il s'amuse avec les filles. Elles sont un peu bruyantes, mais elles savent raconter des blagues, entretenir une bonne ambiance. Il n'est pas en reste. Après une déambulation touristique sur le Strip, ils optent pour un repas médiéval dans l'hôtel Excalibur. Tout le monde connaît la légende du roi Arthur. Ca permet d'alimenter les discussions. Le temps passe agréablement. Mike parle à ses voisines. Circé ne se joint pas à cette conversation. Elle se le reprochera assez, une fois la soirée finie. Remontée dans sa chambre, elle est plus seule que jamais. Mike aussi s'est laissé entraîner par l'enthousiasme volubile du groupe, le temps de la soirée. Maintenant dans sa chambre, il se retrouve face à ses ombres. Un avenir incertain, menaçant même, l'attend, tout proche. Les Grecs disaient que l'avenir repose sur les genoux des dieux. Mais, bien plus tard, ce même soir, qu'est-ce qui a poussé Mike à se lever, quitter sa chambre, aller frapper doucement à celle de Circé ?