21 mars 2007

La femme ailée (13)

Rodolfo, en bon politicien, aime traiter les problèmes l'un après l'autre. Il lui arrive rarement de faire deux choses à la fois, mais le voici qui poursuit deux idées en même temps. Il lit et relit le message électronique, puis la pièce jointe: l'article d'Olga. Certes on y sent une pointe de critique, mais rien d'agressif. Au fond coopérer a payé. La journaliste lui a fait un bon article. Il ne peut pas se plaindre. Inutile, dans ce cas, de demander des modifications de détail. Ca n'apporterait rien. Cette relative victoire de Rodolfo sur le terrain de l'interview et de l'article l'incite à jouer sur un autre tableau. L'homme politique, sa gloire confortée, est affamé d'un autre dialogue, hors politique, dans le domaine littéraire où il ne se sent que généraliste passable, monsieur tout-le-monde, au plus bon public. Il réfléchit donc aux idées qu'il peut développer dans sa réponse. L'article n'est plus qu'une amorce. Comment rendre hommage à cette femme d'esprit, élégante dans son maniement des idées et de la langue? Surtout ne pas s'enferrer dans le ridicule d'une corbeille de fleurs. Il revient à son dossier, le feuillette de nouveau. Une idée s'impose avec évidence: Cervantès. Une recherche sur Internet aboutit à des objets de collection à acheter. Il choisit une édition ancienne des oeuvres du maître. Il envoie son enchère et ses conditions de poursuite, en cas de montée. Trois jours plus tard lui parvient un carton de livres reliés en cuir. Quel étonnement! C'est intimidant comme le seuil d'une église qu'on ne connaît pas. C'est le moment de se laisser entraîner par la proximité d'une grande oeuvre, et de finaliser sa réponse à Olga Riscal. Que dire? Remercier sans ostentation. Se féliciter d'un premier échange réussi, de bon augure pour l'avenir. Rodolfo mobilise son intelligence pour articuler le message à écrire et le cadeau. Il en fait les deux instruments d'une stratégie de rapprochement.

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