27 janvier 2007

La femme ailée (9)

Stefano est à la fenêtre de son appartement, un loft du "Village" à New York. Cela fait plusieurs semaines qu'Asphélia est partie. Dehors il fait gris, un temps gris de Manhattan comme souvent. Stefano s'éloigne de la fenêtre. Il quitte l'appartment, ferme la porte blindée, prend l'escalier métallique, arrive dans la rue. Son visage reçoit le vent puissant. Il avait besoin de cette poussée contraire, de cette résistance au mouvement qui lui donne un nouvel équilibre, comme un appui. Quelque chose contre quoi pousser, exercer sa force, consommer son énergie.

Toute son attention est pour Asphélia, Asphélia cette femme rêvée, qui, absente, retrouve son intangibilité angélique. Asphélia déploie à demi ses ailes et deux doigts de sa main droite forment le geste codifié de l'Annonciation. C'est aussi un:

-Noli me tangere.

Ne me touche pas, non! Une voix pourtant douce, sans source localisable, immanente, immersive. Pas de rancoeur, pas de douceur sensuelle, juste l'équilibre discret des chapelles aux vitraux bleus.

Ne me touche pas, n'essaye pas , ce serait inutile et surtout inélégant.

Stefano sait qu'Asphélia ne reviendra pas, cette Asphélia qui avait une présence chaude, capable de bouillonner jusqu'à l'excès violent. Asphélia, actrice d'Action Painting, de barbouillage génial et rupestre. Le corps d'Asphélia est parti vers d'autres cieux, verticalement, comme le Christ rédempteur de Rio. Lévitation d'Asphélia. Ne pas confondre cette lévitation avec la flottaison fluviale d'Ophélia, qui elle est morbide, sinistre. Asphélia est vie et vigueur dans un ailleurs indéterminé. Cette femme était de passage. Stefano l'a toujours su. Un moment il a voulu l'occulter, le nier, se créer une histoire de journal de bord, consigner une régularité, enregistrer l'insaisissable. La conjonction Stefano. Asphélia n'était qu'une équinoxe, pas une structure minérale stable. Stefano cherchait vainement à crére de la durée, de la fréquence, un feuilleton de vie. Une série dont il n'aura vu que le pilote en fragment, son expansion, sa rétraction, sa destruction épiphanique.

Même si Asphélia est loin, son ombre ailée reste projetée sur l'espace personnel de Stefano.

Stefano marche. Il a retrouvé le calme intérieur. Il est prêt à peindre un ensemble de tableaux sur le thème des signes de larue. Il va creuser le sens du lieu Manhattan, soulever les pierres, excaver l'émotion, l'origine des sensations.

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