24 novembre 2006

Relations textuelles (3)

Avertissement: ce texte ne doit pas être lu par une personne de moins de dix-huit ans. Majeurs, bienvenue.
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Chapitre XVII
Grenadine

La couleur favorite de Grenadine n’est pas le rose mais le rouge délavé. Sa ville préférée est –on ne rit pas- Grenade, longtemps ce Berlin-frontière d’Espagne, intersection de l’Occident chrétien et latin et du dernier royaume musulman d’Espagne. C’est aussi la ville où l’Alhambra n’est pas une salle de cinéma, mais le plus beau des palais avec des jardins suspendus. « Cultive-toi et cultive-moi » disait Grenadine dans les pas de Voltaire. L’olive est omniprésente dans son blog, et le soleil y pèse de toute son énergie. La mer n’est jamais loin, Grenadine rêve d’îles. La Corse des maquis et du cantu profundu a capella, la Sicile des temples grecs, la Sardaigne des bergers. Grenadine serait plutôt indépendantiste que mercantiliste : garder la terre, ses arbres, ses rochers, y vivre, plutôt que d’y créer un espace commercial de loisir et tourisme. Grenadine écrit sur les éléments premiers, sur les os, sur la chair et la peau que tanne le soleil. Grenadine développe une mythologie de l’eau, la fontaine placée au centre du village et de nos désirs.
« Je le ferai, pour un peu de cette eau fraîche qui nous vient des montagnes »
Grenadine expose aussi sur son site le lieu divin, ultime refuge au coeur de l’été suffocant, la crypte. La crypte est limitée par les murs épais d’une église, c’est une image humaine de la grotte, où le ruissellement goutte à goutte crée des formes étranges, lieu de fraîcheur, repos, conservation. C’est l’endroit caché, protégé, où les secrets resteront intacts.
Un clin d’oeil ironique : Grenadine a créé une rubrique rafraîchissements qui s’ouvre sur la grenadine ! On y voit aussi des encadrés sur le mythes qui font rêver les habitants des pays de soleil : Antarctica, cette bière brésilienne avec un ours comme symbole. Bien-être et fraîcheur extrême.
Grenadine donne sur son site deux recettes du sud : le gazpacho, et le granité. Dans les deux cas, légèreté de la texture, granularité stimulante pour le palais, piquant subtil du goût, et effet physique intéressant d’abaissement de la température du corps des convives. Elle a aussi réalisé un tableau des cafés du monde, grain par grain, sur un fond de carte des continents producteurs.
Ils se fixèrent un premier rendez-vous sur un banc, au Parc Montsouris, face à la Cité Universitaire.

Chapitre XVIII
Menthe en vérité

Menthe en vérité, c’est le nom de réseau de la deuxième femme du sud qui répondit à l’appel d’Oscar légionnaire. Plus espiègle que Grenadine, elle eut un premier contact empreint de critique et de reproche. Oscar représentait l’institution coloniale, et portait sur la conscience le poids de l’histoire du continent africain.
Le dialogue s’engagea.
Après des flots tourbillonnants de conversation, leur passion commune du thé à la menthe les réunit un après-midi à Montparnasse. « Menthe en vérité » était née au Maroc, dans une famille aisée de Casablanca. Elle avait étudié en France et y était restée, pour travailler, mais aussi parce qu’elle avait adopté le style de vie parisien. Menthe en vérité était chaleureuse et enthousiaste, toujours prête à l’exagération du propos, ironique à son heure. Oscar l’appréciait. Casablanca et Paris ont semble-t-il tant en commun, et ce qui les distingue donne des sujets de conversation passionnants. Les heures glissèrent entre leurs doigts, il fut temps de se quitter. Le parfum de Menthe en vérité, sucré, urbain et chaud, flotta longtemps dans l’air. Ses gestes oratoires également continuèrent à rythmer en mode libre rémanent la pensée d’Oscar et ne s’estompèrent que bien plus tard.

Chapitre XIX
Bilan des contacts

Oscar fut pris d’une indigestion de contacts, tant les échanges à leur manière, avaient été intenses, denses, forts. A chaque fois, l’immédiate présence de l’autre emplissait l’espace. Aucune de ces rencontres ne pouvait être prise à la légère. L’épaisseur humaine en était intégrale. On n’en réchappe pas, on ne s’en échappe pas. Ce qu’Oscar avait voulu être un simple essai et rien de plus, s’avérait enagageant, prenait pour ne plus rendre.
Quelle serait l’étape suivante ? Oscar pressentait l’escalade, une tension peut-être, suivie d’une chute redoutée.
Mais pour l’étape suivante, disons pour faire simple que l’heure des Mille-et-une-nuits était venue. Avertissons le lecteur : pour Oscar, porté par son enthousiasme, tout entier à sa quête, il était devenu difficile de savoir quand il rêvait ou quand le tête-à-tête était réel, mais au fond peu importe.
Mille-et-une-nuits ou un peu moins.

Chapitre XX
Livia Gallica


Livia Gallica, c’est elle, apparaît au bout d’un jardin à la française. Elle vient de sortir d’un bosquet. Elle porte une tunique antique, revue par l’Empire, et ses cheveux mi-longs sont libres, et flottent dans l’après-midi.
Oscar a pleine conscience de cette présence. Tout son corps se tend vers Livia. Oscar et Livia ne se connaissent pas depuis longtemps, mais tout de suite, ils se sont trouvés en totale harmonie. Oscar éprouve en plaisir infini à voir les mouvements amples et légers du corps de Livia. Elle semble danser au ralenti. Il lui faut fermer les yeux pour mieux la voir. Oscar s’immerge dans le parfum de Livia, s’abandonne au contact magique de sa peau. C’est une guérisseuse, mi-celtique, mi-latine, qui se lance dans la grande fusion corporelle. Cela commence par une fusion visuelle des yeux verts de Livia dans les yeux gris d’Oscar. Les mains d’Oscar parcourent les seins saillants de Livia. Livia-Victoria, figure de proue qui n’est suivie d’aucun navire , puisqu’elle se suffit à elle-même, étrave de feu qui vient liquéfier les mains de cire d’Oscar. Leus peaux se découvrent, s’explorent, se réexplorent dans une fascination lumineuse, derrière un bosquet, comme deux amants à la cour de Versailles, leurs corps libérés de l’étiquette. Un jet d’eau vibre au loin, rafraîchissant l’oreille, doux son pour rythmer leur étreinte, et complète la lubrification de leurs sexes en une allégorie sonore, au mouvement périodique et sublime. Oscar progresse, en douceur. Livia l’attire, s’agrippe de toutes ses forces, l’aspire vigoureusement, jusqu’au bout, encore, encore, plus profond, oui. Livia crie. Leur fusion corporelle et fluide se parachève en un unique soubresaut. Leur faim reste entière. Ils repartent dans un balancier pénétrant. Leurs corps s’éloignent et se rejoignent. Un nouveau rythme est trouvé, vérifié, reconduit, c’est celui du plaisir ondulatoire et accordé, qui fait suite à l’étonnement de la première attaque vibrante. Certes, la première surprise fut prometteuse, ils s’en trouvèrent émus. Leur appétit maintenant se nourrit de l’étreinte, plus, plus loin, et plus longtemps.
Oscar s’agenouille pour goûter le suc voluptueux de la belle captive qui lui fait face et écarte les jambes pour se livrer à lui. Livia se saisit alors de ce qui fut une baguette magique entre ses cuisses, y met la bouche goulûment, la sollicite activement de ses lèvres exigeantes. Oscar cède, rend les armes au siège qu’on lui fait. Livia boit cérémonieusement.
Le soleil est encore haut sur les allées. Ils marchent côte à côte, la main dans la main.

Chapitre XXI
Lorraine Gelée

C’est un de ces matins frais d’avril où la terre a encore un doux parfum de nuit. La rosée s’évapore sous la lumière solaire, qui à cette heure-là perce efficacement le secret des choses, en incidence rasante sur la surface de la terre. A nul autre moment Lorraine en majesté ne rayonne plus intensément. Lorraine est belle, de cette beauté intégrale que n’ont pas encore les très jeunes femmes, et qui n’arrive –quand elle vient- qu’après trente ans, quand le temps, l’amour et ses méandres, la joie pleine et la nostalgie intemporelle, ont creusé ce léger sillon de vie, donnant leur histoire vraie aux visages expressifs. Lorraine a une histoire qu’on veut connaître. Oscar en devine quelques éléments, ce qui lui donne envie d’en savoir plus.
-Lorraine qui es-tu ?
-Je suis celle qui va d’un pas léger et assuré, « dès l’aube, à l’heure où blanchit la campagne[1] »
-Lorraine, pour moi ton sourire remplacerait le soleil du matin, celui qui nous dit qu’un nouveau jour s’ouvre.
-Oscar, qu’est-ce qu’un nouveau jour qui s’ouvre ?
Dit-elle en ouvrant largement sa veste. Son buste est discret, élégant, irrésistible. Le regard d’Oscar s’engouffre dans la brèche qu’on lui offre. Lorraine sourit, elle n’en attendait pas moins.
-Dis-moi, Oscar, le matin, ça te fait quelque chose à toi aussi ?
-Lorraine, tu donnes à cet instant une note sublime. Elle résonne en moi, vibre infiniment, se réplique, en rémanence, comme un accord de piano que les doigts viennent de marquer.
Lorraine entre dans le jeu d’Oscar. La formulation précieuse d’Oscar la fait sourire. Oscar en est heureux. Lorraine observe Oscar avec espièglerie. Oscar voit la manoeuvre. A lui de sourire aussi. Ils se sont compris. Leurs mains se joignent. Ils marchent le long d’un mur de briques. Oscar marque un temps d’arrêt, qu’accepte Lorraine, en se tournant lentement vers lui. Il l’adosse doucement au mur. Ils s’embrassent à quatre bras sensuellement enchevêtrés. Les mains, autonomes, caressent, étreignent, glissent et reviennent. Leurs lèvres restent en contact, mais oscillent continuellement pour permettre à leurs langues de se superposer : dessus dessous dessus encore, elles se contournent, s’enroulent en ce temps prolongé du baiser. Les corps sous leurs vêtements ouverts, s’approchent, s’éloignent ensuite pour revenir. C’est une contiguïté harmonique, animée de microrotations et de frictions sublimes.
-Oscar , je perds la notion du temps. Sommes-nous le soir ou le matin ? Où m’emmènes-tu ?
-Lorraine, « mon enfant ma soeur, songe à la douceur d’aller là-bas vivre ensemble[2] ».
-Oscar, oui, « les soleils mouillés de ces ciels brouillés, pour mon esprit ont les charmes si mystérieux de tes traîtres yeux »
Son regard pénètre au plus profond. Cet instant a suffi pour qu’elle sache en une fois tout ce qu’on peut savoir d’Oscar. Elle se détache de lui, fait face au mur, et dit, en posant ses paumes sur la surface en brique :
-Prends-moi par derrière, tout de suite.
Alors Oscar pose ses mains sous la jupe de Lorraine. L’étoffe de la culotte est douce au toucher, elle glisse et descend jusqu’au sol. D’un sautillement, Lorraine s’en débarasse. Oscar est prêt. Lorraine passe une main dans son dos, saisit le membre d’Oscar, le place et le dirige. Un mouvement binaire commence. La voix d’alto de Lorraine charme Oscar et lui imprime un tempo impérieux et envoûtant. Lorraine s’offre entière, absorbe l’homme et ses désirs. Lorraine, dos à Oscar, face à la brique, s’accroche au mur paumes et ongles. Oscar la pénètre doucement, pousse plus loin, revient en arrière en ondulant, puis replonge. Lorraine se sent devenir créature marine des origines. Oscar est marée, flux, reflux. D’un seul coup vient le wasserfall[3] . Le flot désiré les submerge, les fait rouler, les engloutit dans un tourbillon de plaisir.

Chapitre XXII
Menthe en vérité

A la fin d’une journée torride, quand la température commence enfin à baisser, les habitants sortent de leurs intérieurs qu’ils ont calfeutrés pour filtrer lumière et chaleur. C’est l’après-sieste, les rues et les commerces s’animent de nouveau. A te voir passer, Menthe en vérité, légère et rapide dans ta riobe échancrée de toile fine, en suivant des yeux ta silhouette dans l’ombre des ruelles, on se demande d’où tu viens, et où tu vas. Qui viens-tu de quitter ? Vers qui vas-tu ?
La question, parce qu’on a été fasciné par ton sourire, parce que tes yeux noirs semblent sorti d’un film des années trente, la question répétée est torture. L’obsession est née, on ne s’en remettra pas. Menthe en vérité, pour celui qui t’observe et te désire, tu es Carmen ! Et c’est bien cela : « -Carmen ! » lui crie l’amant à peine quitté. Il souffre et tu le sais, mais tu n’y peux rien, c’est trop tard, le trait est tiré, c’est vers un autre que tu vas.
Menthe en vérité, dans la torpeur de l’après-midi, tu es irrésistible sur le lit ouvert de la sieste, et tu le sais. Tu viens de prendre et de donner du plaisir plusieurs fois à l’amant que tu aimes ici pour la dernière fois. Tu le sais et fais de ce moment un moment intense au possible. Lui, amant, homme, garçon, il vit l’instant sans rien savoir ni apercevoir. Il est ton jouet. Et pour quels jeux ! Peau contre peau, l’air adouci par la fraîcheur des murs de pierre nue, leurs corps s’affrontent avec passion. La vague monte et les emporte dans un rouleau d’écume. Ils dévalent la montagne, sauteraient presque dans le précipice. De la vallée montent les esprits des dieux anciens. Artemis aurait-elle couru dans une sueur immense afin de dépasser le héros qu’elle convoite ?
La vestale se serait-elle donnée au messager inconnu, envoyé de Mars, parce qu’elle n’en pouvait plus d’attendre ? Elle aurait mis un point final sur l’attente, ouvert les cuisses à l’ombre du temple, et l’intrus y aurait creusé et marqué son sillon avant d’y laisser sa semence.
Menthe en vérité, en pareil cas préfère Dionysios à Morphée. Son corps chante à tout volume, dans ses fréquences de soprano coloratur. Elle est horizontale et oblique. Lui, vrille et la retourne, la soulève en plaçant ses mains sous les fesses luisantes de Menthe en vérité. Il se donne plus qu’il ne s’était jamais donné avant, et s’en étonne. Il est heureux jusqu’au bout, sans savoir. Elle le reçoit, le prend, l’attire , l’enserre, alors que leurs pas n’iront pas plus loin ensemble. Les voici à la bifurcation, à chacun son chemin. C’est banal, c’est la vie, cela n’efface pas ce qui s’est passé, et ne gêne pas la réalisation du destin encore à venir.
Menthe en vérité, on te voit parcourir le vieux Nice, Antibes, le Vieux Port de Marseille, Juan les Pins ou Gênes. Serais-tu femme de marin ?

Chapitre XXII
Hildegard

A l’entrée d’une maison bel étage des Flandres, la lampe est allumée, et vous invite à monter l’escalier. La lumière blanc-jaune, filtrée par l’abat-jour, crée deux volumes paraboliques, l’un convexe, éclairant jusqu’au plafond, l’autre dirigé vers le bas. L’abat-jour définit un plan de flottaison, au-dessus duquel une respiration ample, sous de hauts plafonds, est possible. En bas, la pression et l’intensité se concentrent et restreignent. Poussé par cet ordre des choses, Oscar gravit les marches de l’escalier. La pièce d’apparat s’ouvre à lui en grand angle. Il lui faut un certain temps pour la parcourir du regard. Face à une cheminée néo-traditionnelle, il trouve Hildegard assise, jambes relevées sur un très long canapé. Oscar franchit l’espace. Ce temps suffit pour qu’Hildegard change de position. S’est-elle assise le dos droit ? Pas du tout, elle est allongée. Oscar se penche sur elle.
-Je t’attendais !
Dit enfin Hildegard, le visage rayonnant.
-Embrasse-moi !
Elle ferme les yeux, entrouvre les lèvres. Ses dents brillent. Oscar les couvre de sa langue. Le baiser est fougueux. Le temps du long baiser passé, Hildegard repousse légèrement les épaules d’Oscar, se ménage un passage, se redresse et s’assied, prononçant à mi-voix :
-Pas encore, attends.
Oscar est en feu, mais il fait ce qu’on lui demande. Hildegard se lève, prend la main d’Oscar, et l’emmène à la cuisine. Elle ouvre son réfrigérateur, en lui proposant de choisir une boisson fraîche. Il fait chaud dans cette maison belge, le chauffage y est puissant. Est-ce une stratégie doublement charmante d’Hildegard qui laisse voir à son visiteur un décolleté vertigineux, en même temps que la chaleur monte en lui ? Oscar regarde en même temps l’intérieur bien éclairé du réfrigérateur et le volume des seins d’Hildegard.
Sur le canapé, ils ont bu un peu, parlé beaucoup. Hildegard lui dit :
-Maintenant je suis prête. Allons-y.
Elle le prend de nouveau par la main, et l’entraîne dans l’escalier, un étage plus haut. Il découvre une chambre à coucher. Elle l’installe sur le lit et lui dit :
-Attends-moi, je reviens tout de suite.
Un bruit d’eau léger, et quelques minutes plus tard, elle entre une bougie à la main. Son doigt effleure très vite l’interrupteur électrique. La lueur de la bougie vacillante fait osciller les ombres. Oscar comprend et apprécie les préparatifs. Hildegard est vêtue de sous-vêtements de cuir, avec quelques échancrures, elle porte des bottes souples qui montent au-dessus du genou.
Oscar regarde surpris, ne sachant une fraction de seconde que penser. Alors tout se met en place avec naturel, et l’équilibre des choses lui dicte de s’approcher de Hildegard. Le nouveau maquillage qu’elle a tracé pour ses yeux accentue son expression, reflet d’une passion-totale-sinon-rien. On pourrait l’appeler « tango » ce maquillage. Les mains de l’homme se placent sur le corps de l’amazone gainé de cuir, qui se gonfle de plaisir à ce toucher entier et pressant. Elle se colle à l’homme qu’elle a déjà tant excité, et le déshabille avec agilité. L’homme est nu face à la femme guerrière. Sur le terrain du sexe aussi il lui faudra prouver sa valeur, vaincre toute réticence, surmonter toute vélléité de résistance, convaincre et entraîner dans le plaisir primitif et intégral : c’est tout ce qu’eux deux veulent, avec une conscience aigüe de ce désir commun profond.
Oscar sera ce héros fort, patient et conscient. Hildegard le sait et ne cherche qu’à l’admirer, à s’abandonner à lui. Pour l’heure, les vêtements érotiques d’Hildegard sont clos par des serrures plates à code intégrées au cuir. Seule Hildegard en connaît les combinaisons. La langue d’Oscar est autorisée, à travers une fente dans le cuir à l’entrejambes , à effleurer voluptueusement une vulve rose et gonflée. Hildegard laisse échapper un premier cri, qu’Oscar prend plaisir à lui faire répéter, à un rythme qui s’accélère. Une onde de plaisir rayonne sphériquement sur le corps de la femme sucée. Oscar sculpte de la langue un édifice de jouissance. La voix de Hildegard croît en volume. Les héroïnes wagnériennes n’ont pas clamé plus fort leur joie. Deux corps sauvages sont déchaînés, qui ne s’appartiennent plus. Le premier code est révélé par Hildegard qui n’en peut plus et cède une première fois. Les aréoles de ses seins émergent tendues, raides, pointues, très longues, se tendant vers la bouche d’Oscar. Il sait jouir de l’instant, partager, donner. Le voici qui entoure la poitrine triomphante de toutes les attentions qu’elle mérite, revendique, et accepte avec gratitude.
De la crypte où des gisants-amants, dame et chevalier, sont éternellement exposés en faible lumière, monte un souffle de passion-plus-qu’humaine. L’union est formée avec un lien puissant semblable à celui qui unit Siegfried à Brunhilde. L’mour sur le lit de Hildegard est un rite sacrificiel et païen, sur l’autel du château-fou.
On imagine Schubert jouer un dernière mesure, dans son agonie terrible, tandis que les deux hommes du tableau de Caspar-David Friedrich regardent la lune.
Les amants désormais nus s’étreignent avec une douceur infinie. Ils s’emplissent de sensations infinitésimales, parce qu’ils savent la valeur de l’instant conquis. La nuit enveloppe leur corps en fusion.
« Au réveil, il était midi[4] »

[1] Victor Hugo
[2] Charles Baudelaire
[3] Chute d’eau en allemand, utilisé texto par Arthur Rimbaud.
[4] Arthur Rimbaud, Aube

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