10 décembre 2006

Adios Las Vegas (5)

Les voici partis dans un décor hollywoodien, reproduisant en l'interprétant la cour de Koubilaï Khan, à l'époque de la visite de Marco Polo. Les serveuses du casino ont toutes un pourpoint vénitien médiéval, avec des bas résille et un décolleté profond. Une allégorie de décolleté-fente de tirelire, par où entre l'argent, ou encore le gâteau dont on a retiré la cerise. Un ascenseur skinné tartare les emmène au vingt-septième ciel. La terrasse est un jardin oriental, planté d'érables japonais, au bord d'une piste d'hélicoptère.
-Circé, tu as déjà pris l'hélicoptère?
-Non
-Attends.
Mike s'adresse à une femme maître d'hôtel. Dix minutes plus tard, un hélicoptère se pose. Ils se baissent pour éviter les pales, et montent sans attendre. Circé donne sa main à Mike. C'est la première fois qu'ils sentent le besoin d'un rapprochement physique. Jusque là, les mots les ont seuls portés. Face à la légère menace physique, leurs corps sont côte à côte, heureux d'y être incités. L'hélicoptère est trop bruyant pour qu'on s'y parle. Alors Circé se blottit contre Mike, ce qui le réjouit. En retour ses bras s'arrondissent. Mike se dit que cet hélicoptère léger n'a rien à voir avec ceux qui déposent les troupes sur leur objectif: on saute et on court, parce que si on vous dépose à cet endroit, c'est parce que ça chauffe, rafales et explosions. Le vol est suspendu entre deux temps, Circé et Mike planent, sans souci ni notion d'un changement quelconque. Cette douce stabilité leur semble durer le temps d'une vie heureuse. Juste avant cette Vita Nova vient de s'imprimer, un relief, une courbure définitive, qui reviendra toujours à son état stable et fort, par mémoire de forme. Ont-ils pris un pli? Plutôt, ils sont le pli, la vallée-cocon qui les abrite. Rien ni personne ne leur retirera ça. L'hélicoptère les a déposés au sommet d'une meseta, avec des sièges et une tables pliant, un panier-brunch de luxe. Hors de vue de Las Vegas, les voici seuls, ou plutôt ils sont enfin deux. La conversation reprend avec un élégance appelée par le raffinement de la collation. Mike et Circé évoquent la religion qu'on leur a enseignée, où le désert est vérité et lumière hébraïque. Mike visualise le trait divin biblique sous forme d'un laser de puissance qui déplace les montagnes. Circé sourit à cette image titanesque. Pour elle, le premier plan est un autel rituel, planté sous le soleil. Mike se tait, sérieux. Ils savent la force du lien qui s'est formé. L'air pur du désert nourrit leurs poumons, leur donnant un souffle vital sans limite, et une clarté de vision unique et commune. Le champagne gazouille dans les flûtes. L'or de l'horizon, et l'or porté en calice. Le voyage les a mis hors-lieu, au coeur du désert mythique. Aussi leur retour au Marco Polo ressemble-t-il à celui du héros vénitien au port de Venise, après son long voyage d'Orient.
-Alors, Circé, cet anniversaire?
-Justement Mike, emmène-moi, allume une bougie.
Tous deux éclatent de rire et s'enferment vite dans la chambre de Mike.

1 commentaire:

dick clinch a dit…

There is something about Las Vegas, that when leaving, it seems as if one is leaving home.

Viva Las Vegas!